Tokyo Vice, HBO Max
Tokyo Vice n’est pas tout à fait une série de Michael Mann. L’affiliation avec le cinéaste à qui l’on doit notamment Miami Vice est assez évidente et c’est une référence qui parcourt les huit épisodes qui constituent la première saison. Le réalisateur a même dirigé le premier épisode, mais sa participation s’arrête là et ce n’est pas lui qui a créé cette série pour HBO Max, c’est J. T. Rogers. Surtout connu pour ses pièces, il a adapté ici l’autobiographie de Jake Adelstein, un journaliste américain qui a été le premier occidental embauché par le plus grand journal japonais1 et qui a en effet enquêté sur la corruption de la police par la mafia à Tokyo. Les huit premiers épisodes offrent une plongée dans le Japon de la fin des années 1990, une époque pas si lointaine même si elle éloigne de plus en plus de la nôtre, où les yakuzas régnaient en maîtres et n’hésitaient pas à tuer impunément. Grâce à son solide scénario et à son casting sans faute, Tokyo Vice séduit et donne envie de voir la suite, prévue par HBO pour cette année.
Ansel Elgort, que j’avais trouvé impeccable dans Baby Driver, a appris le japonais pour cette série. Un gros effort sans doute, mais qui porte ses fruits : Tokyo Vice est partagée entre japonais et anglais, ajoutant un réalisme indéniable à l’ensemble. L’acteur peut exploiter les deux langues au sein d’une même scène, ce qui est essentiel pour transmettre les jeux sur la culture. Le journaliste qu’il incarne feint régulièrement de ne parler qu’anglais pour mieux duper les Japonais avec lesquels il interragit et le fait que l’acteur parle les deux langues avec une aisance qui semble aussi naturelle aide énormément. Tout le casting est à la hauteur d’ailleurs, avec plusieurs autres personnages d’occidentaux qui parlent japonais, dont Rachel Keller remarquée dans Legion. Il y a aussi de nombreux acteurs japonais, dont l’incontournable Ken Watanabe, mais je retiendrais surtout Shō Kasamatsu qui incarne Sato, un jeune yakuza à qui il apporte un jeu sophistiqué et des émotions complexes. L’intrigue elle-même n’est pas des plus originales si vous avez déjà croisé des histoires de mafieux, vous ne serez sans doute pas surpris. L’intérêt de Tokyo Vice n’est pas tant son originalité que l’exécution parfaitement menée. Tout est bien calibré, le rythme est bien tenu d’un bout à l’autre, les personnages sont tous soignés : l’ensemble est plaisant et donne envie d’en voir plus.
Le pilote réalisé par Michael Mann ouvre sur une séquence qui se déroule deux ans après les évènements de la saison. Quand le huitième épisode se termine, on sait ainsi qu’il reste de nombreux éléments à mettre en place pour faire le lien avec cette introduction. HBO Max a ainsi renouvelé Tokyo Vice pour une deuxième saison et on ne sait pas encore si elle complétera tous les trous ou si la série sera encore davantage étendue. Quoi qu’il arrive ensuite, ces débuts sont excellents et méritent le détour.
Et même le plus grand journal au monde par sa diffusion papier, d’après Wikipédia. J’ignorais que le Japon était encore aussi attaché à la presse papier, même si comme partout ailleurs, le tirage baisse. ↩︎