
The Studio, Apple TV+
Comédie satirique sur Hollywood, The Studio est aussi une série assez virtuose sur le plan technique, tout en évitant soigneusement le piège de l’œuvre trop sérieuse pour son propre bien. La création d’Apple TV+ multiplie les moments de bravoure, dont un épisode entièrement en plan-séquence qui rappelle inévitablement l’impressionnante série Adolescence sur Netflix, avec un petit twist supplémentaire : l’intrigue évoque elle-même le tournage raté d’un plan-séquence. Ce côté méta est bien trouvé et bien amené par les scénaristes et créateurs, qui sont sans aucun doute eux-mêmes de grands fans du septième art. J’aurais probablement trouvé cela lourd, voire pénible, s’ils n’avaient pas aussi une bonne dose de second degré, surtout pour les nombreux cameos. The Studio multiplie en effet les vraies personnes qui interprètent leurs propres rôles, des réalisateurs Martin Scorsese et Nicholas Stoller aux acteurs Zoë Kravitz et Dave Franco, et ils n’ont jamais peur de donner de leurs personnes, quitte à se ridiculiser face caméra. Mention spéciale aux deux acteurs, déchaînés en particulier dans le dernier épisode à Las Vegas, assez épique dans le genre.
Il y a aussi des acteurs qui jouent un rôle, à commencer par Seth Rogen qui est partout dans le projet, devant et derrière les caméras, à la création, à l’écriture et à la production. Il incarne le patron du studio de cinéma fictif Continental et il se prend pour un cinéphile qui veut uniquement produire de grands films d’arts et essai, alors qu’il a été engagé pour produire des daubes comme Kool-Aid, un film sur la boisson surtout populaire aux États-Unis et réputée pour son mauvais goût. Il est excellent dans ce rôle certainement taillé sur mesure et il compose un impeccable patron maladroit, embarrassant et pénible, imbu de lui-même et qui cherche à plaire à tout le monde. L’acteur s’est bien entouré : Catherine O’Hara est excellente comme toujours dans le rôle de l’ancienne dirigeante du studio, tandis que Kathryn Hahn s’en donne à cœur joie pour notre plus grand plaisir, dans un rôle encore plus outrancier que la normale, ce qui veut beaucoup dire pour l’actrice. Dans l’outrance, comment ne pas évoquer Bryan Cranston, bluffant dans le rôle du grand patron, d’une vulgarité rare et qui donne lieu à quelques plans magistraux.
The Studio évoque quelques travers du cinéma américain et se moque aussi des services de streaming et des entreprises de la tech qui investissent ce domaine, ce que j’ai trouvé savoureux pour une série Apple TV+. Ted Sarandos, patron de Netflix, a droit à une incroyable séquence dans les toilettes des Golden Globes, c’est d’autant plus improbable qu’il a accepté de tourner pour la série d’un service concurrent. Tim Cook aurait souhaité prendre sa place, d’après Seth Rogen en personne qui indique avoir refusé, poliment tout de même, j’imagine. Honnêtement, je me demande comment Apple a pu s’imaginer que son patron pouvait tenir un tel rôle dans l’une de ses propres séries. Ce refus n’a quoi qu’il en soit pas condamné The Studio, renouvelée pour une deuxième saison que je serai curieux de découvrir.