Severance, Apple TV+
Severance est une série qui s’apprécie d’autant plus que l’on ne sait rien à son sujet. Faites-moi confiance, abonnez-vous à Apple TV+ le temps de la regarder sans lire une ligne de plus, vous ne le regretterez pas et vous prendrez d’autant plus de plaisir en ne sachant rien à son sujet.
Imaginez des employés fidèles à leur travail, débarrassés de toutes leurs préoccupations du quotidien, concentrés uniquement sur leurs tâches professionnelles. Imaginez en plus que ces employés pourraient rentrer chez eux le soir en n’ayant aucun souvenir de leur journée de travail. Une productivité qui atteint des sommets et des secrets d’entreprise bien sauvegardés… c’est le rêve ultime pour tout capitaliste en herbe ! Et Lumon Industries l’a réalisé, en ayant trouvé une méthode pour dissocier l’esprit de ses employés. Dès qu’ils descendent dans l’ascenseur qui les mène à leur étage, ils oublient tout de leur vie externe et partent sur une page blanche, un nouvel esprit dédié entièrement au travail. Cette idée ferait frémir n’importe qui de sensé, mais la première saison de Severance prouve à quel point on n’envisageait pas l’étendue de son enfer.
Dan Erickson prend son temps pour poser son univers et sa création est une série lente, ce qui peut déstabiliser par moments. La réalisation, co-signée Ben Stiller étonnamment (avec Aoife McArdle), est particulièrement soignée, avec une cinématographie qui m’a rappelé celle de Breaking Bad et Better Call Saul. Comme dans ces deux excellentes séries, le cadre est toujours soigneusement réfléchi, la photographie léchée et les plans sont installés méthodiquement. La narration ne cherche pas l’efficacité immédiate, elle se construit petit à petit et préfère révéler aussi progressivement que possible l’univers imaginé par la série. À cet égard, cela m’a rappelé le travail de Noah Hawley et notamment Legion, qui partage avec Severance un goût marqué pour l’absurde.
Si la saison commence lentement, elle se termine par une impressionnante montée en suspense, jusqu’au neuvième épisode qui vous laisse lessivé par son intensité extrême et ce, malgré sa durée assez courte. Dan Erickson termine sur un moment charnière, c’est peut-être un poil gros, mais d’une telle efficacité que l’on peut lui pardonner. D’autant plus qu’Apple TV+ a renouvelé Severance pour une deuxième saison avant même la fin de celle-ci, et aussi que les scénaristes ont prouvé qu’ils avaient encore de l’imagination pour étendre leur univers sinistre. Quant au casting, il a su démontrer toute l’amplitude de son talent, avec ces acteurs qui doivent incarner deux versions légèrement différentes d’un même personnage. Adam Scott est impeccable dans le rôle principal, mais je retiendrai surtout Patricia Arquette, toute en douceur terrifiante ainsi que le duo John Turturo et Christopher Walken qui est crédible dans une histoire romantique, à la surprise générale. Ce qui résume bien l’esprit général d’ailleurs : c’est une excellente surprise et l’attente va être longue avant la prochaine saison…