Scrubs, NBC
Les séries hospitalières ne manquent pas, ni les sitcoms dans des lieux de travail. Scrubs a pourtant trouvé une voie originale, essentiellement grâce à son humour et une idée en particulier : le personnage principal, l’interne en médecine J.D. Dorian, passe son temps à imaginer ce qui pourrait se passer. C’est le narrateur, on entend sa voie en permanence et régulièrement il se perd dans son propre esprit avec une pensée souvent loufoque qui est montrée à l’écran. Voilà de quoi permettre à cette série portée par NBC de se distinguer et même de lui offrir quelques moments vraiment réussis, avec les trois ou quatre premières saisons qui parviennent à faire rire. Malheureusement, la création de Bill Lawrence a du mal à se dépêtrer de ses clichés, sexistes tout particulièrement, et elle finit par vite tourner en rond. Je vous recommande d’arrêter avant nous, car dès la cinquième ou sixième saison l’humour devient trop mécanique, l’ennui s’instaure et surtout, les personnages n’évoluent plus.
C’est toujours la clé dans une série, surtout quand elle est aussi longue. Scrubs adopte un format « à l’ancienne », avec une vingtaine d’épisodes par saison. Certes, chaque épisode ne dure qu’une vingtaine de minutes, mais cela reste long et il faut avoir de quoi tenir sur la durée. Les meilleures séries s’en sortent avec des personnages qui évoluent et dont la psychologie s’épaissit constamment. C’est d’autant plus essentiel dans une sitcom, où la caricature est forcément présente dans les premiers épisodes. C’est bel et bien le cas avec Scrubs, qui dessine des personnages initialement résumés à un ou deux traits de caractère. Le personnage principal est un interne un peu timide et sensible, tout le contraire du docteur Cox, le médecin résident de l’hôpital qui doit lui enseigner le métier et qui est à la limite du psychopathe. Le duo repose au départ uniquement sur leur opposition et les scénaristes parviennent à les faire évoluer dans les premières saisons, sans abandonner toutefois leurs caractéristiques principales. C’est d’ailleurs à mon sens l’un des défauts de Scrubs : même si les blagues peuvent être drôles, elles tournent toujours autour des mêmes thèmes. Le docteur Cox qui donne des noms de filles à JD, les blagues potaches de JD et Turk, l’insécurité d’Elliot, le conflit entre le héros et le concierge, le cynisme de Bob Kelso… je pourrais continuer longtemps ainsi. Il y a un assez grand nombre de personnages et de blagues pour ne pas se répéter pendant quelques saisons, si bien que le début reste sympathique. Même si j’aurais préféré éviter les clichés éculés sur les femmes ou les gays1 : plus que la qualité en retrait, c’est bien sur ce point que Scrubs a le plus mal vieilli et fait ressentir le poids des années.
Et malheureusement, ces clichés ne s’atténuent pas avec le temps comme je l’espérais. Au contraire, ils restent et deviennent même de plus en plus centraux, comme si les scénaristes avaient décidé que Scrubs devait s’y résumer. C’est la même situation pour les personnages, qui commencent à stagner dans des rôles de plus en plus statiques. JD, par exemple, ne parvient jamais à sortir de son rôle d’éternel célibataire attiré par des femmes toujours séduisantes, évidemment, et qui entrent toujours à l’écran au ralenti pour mieux faire ressortir leurs attributs. Zach Braff est très bien pour l’incarner, il n’y a de manière générale aucune fausse note sur le casting, mais la lassitude vient forcément poindre le bout de son nez. La sixième saison devient laborieuse, la suivante est encore pire et mieux vaut s’arrêter avant. Mais je ne suis même pas sûr que je recommanderais les premières saisons, car au fond, on ne manque pas de bien meilleures sitcoms…
La série a vraiment une relation étrange à l’homosexualité. D’un côté, le héros est constamment moqué pour son côté sensible et affublé de prénoms féminins, comme si c’était la pire insulte qui soit. De l’autre, la relation entre JD et Turk frôle constamment l’homo-érotisme et Scrubs la traite même régulièrement de manière positive. J’ai du mal à comprendre comment les blagues homophobes ont pu autant rester malgré tout… ↩︎