Mon petit renne, Netflix
Quelle série aussi surprenante que prenante. Mon petit renne débute comme une comédie noire assez classique sur un comédien de stand-up qui est en réalité surtout un barman et qui rencontre une femme qui finit par le harceler. Bien que sombres, les premiers épisodes restent dans la légèreté d’ensemble, si bien que l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une comédie. Grave erreur, qui n’en est que plus apparente au fur et à mesure que la mini-série avance. Richard Gadd interprète sa propre histoire, faite de débuts difficiles dans le stand-up, de viol, d’homosexualité honteuse et refoulée et en effet d’un harcèlement qui s’est étalé sur plusieurs années. En sept épisodes d’une bonne demi-heure, il raconte son histoire sans prendre de pinces et sans prévenir, si bien que le spectacle peut être éprouvant par moments. C’est d’une intensité rare, c’est déstabilisant, c’est poignant et c’est déprimant. Si cela ne vous effraie pas, c’est aussi une série à ne surtout pas rater.
Mon petit renne condense l’air de rien énormément d’informations sur notre société. L’homophobie latente et intériorisée en est une, au point où Donnie Dunn, le personnage principal, a si honte de son penchant pour les hommes cis et les femmes trans qu’il se crée une fausse identité sur une app de rencontre, qu’il est terrifié que cela se sache et qu’il finit par saborder une relation amoureuse qui le rendait pourtant heureux. Le harcèlement et son manque de prise au sérieux en est une autre, surtout quand un homme se fait harceler par une femme : Donnie commence par fermer les yeux et quand il se décide enfin à porter plainte, il est reçu avec un scepticisme amusé au poste de police. Le stress post-traumatique et toutes ses implications sont par ailleurs brillamment représentées, avec cet homme si détruit qu’il ne parvient pas à délaisser la femme qui le harcèle, parce que ses compliments lui font du bien. Richard Gadd condense énormément en sept épisodes et je suis sûr que je n’ai pas tout repéré, tant l’écriture est dense et surtout, les émotions sont fortes.
La légèreté initiale s’efface vite, à tel point que j’ai eu du mal à regarder plus d’un épisode à la fois à partir du quatrième épisode. Ce flashback nous plonge au cœur du traumatisme et il est aussi soudain que violent, avec une mise en scène frontale et d’une remarquable efficacité. Ce n’est en aucun cas une critique, cet épisode est un grand moment, ce qui n’enlève rien au fait qu’il est éprouvant. Mon petit renne parvient ainsi à vous prendre aux tripes et ne vous lâche plus avant la toute fin. Mieux vaut ne pas espérer une fin légère et joyeuse d’ailleurs, ce n’est pas tellement l’ambiance et Richard Gadd n’essaie pas d’alléger le parcours de sa version fictive pour alléger notre conscience. Je n’en dis pas plus, mais la série de Netflix vaut le détour et devrait rester longtemps dans les mémoires.