Mental, France.tv Slash
Mental appartient à cette catégorie trop rare des séries françaises qui parviennent à surprendre. Pourtant, cette création de France TV ressemble à une catastrophe annoncée si l’on s’en tient à son synopsis. Cette histoire de quelques adolescents dans un service de pédopsychiatrie pouvait indéniablement mener à un échec complet et pourtant… c’est plutôt un petit miracle. Avec son casting parfait de bout en bout et avec son scénario qui n’a pas peur d’aborder des sujets difficiles tout en infusant une salutaire dose d’humour et une bonne pincée d’émotions, Mental est un bijou à ne rater sous aucun prétexte.
Les premiers épisodes plongent les spectateurs dans l’ambiance d’un hôpital psychiatrique fictif de Clermont-Ferrand, mais cette plongée est directe, brutale presque. Le casting est composé d’acteurs professionnels, mais je n’aurais pas été choqué d’apprendre qu’il s’agissait de jeunes sélectionnés dans une clinique, tant leur jeu semble naturel. On peut aisément imaginer comment une direction d’acteurs différente aurait pu mener à un désastre en la matière, mais Marine Maugrain-Legagneur et Victor Lockwood ont parfaitement géré les jeunes acteurs et ils sont tous justes. Justes et effrayants : la cruauté habituelle des jeunes de 15 à 18 ans, renforcée par les troubles psychologiques parfois graves, c’est un cocktail explosif. La série débute sur l’arrivée aux Primevères de Marvin, un jeune de 17 ans persuadé de ne pas être à sa place, mais qui évite un séjour en prison grâce à ce passage en institution psychiatrique. Il ne joue pas le jeu, se moque des autres adolescents et Mental frôle par endroits le cliché trop facile, en opposant le jeune des banlieues au reste des jeunes. Contre toute attente, cette opposition simpliste est rapidement évacuée et la série évolue vite vers des personnages de plus en plus riches et des relations toujours plus profondes. Avec le recul, c’est ce que je retiendrais : cette création de France TV parvient en deux saisons et vingt épisodes à créer des personnages crédibles, à la fois dans leur souffrance psychologique et dans leur intimité.
Sans doute fort bien documentée, Mental parvient en effet à parler de la psychologie avec une force et une honnêteté trop rares. Ses créateurs n’évitent pas les sujets qui fâchent, y compris les innombrables échecs ou du moins aveux d’impuissance de l’institution, qui passe à côté de souffrances pourtant évidentes, qui laisse sortir quelqu’un au mauvais moment ou dont le personne souffre parfois tout autant. L’écriture subtile permet de traiter tous ces sujets, dont certains particulièrement difficiles, jusqu’au suicide, avec énormément de finesse et en trouvant toujours les mots et les émotions justes. Cette noirceur, inévitable avec un tel sujet, est contre-balancée par de l’humour parfois trash qui permet, aux personnages autant qu’aux spectateurs, de décompresser. Et au fil des épisodes, d’autres émotions réconfortantes s’installent également, notamment à travers le parcours si mignon d’Estelle (Lauréna Thellier, brillante). Autour d’elle, même Marvin (Constantin Vidal, impeccable) et Simon (Louis Peres, bluffant) parviennent à s’adoucir. Tous ces jeunes se forment une nouvelle famille choisie et leur parcours en dents de scie est particulièrement touchant.
Comment ne pas s’enthousiasmer face à une telle réussite ? France TV a réalisé une pépite, mais qui n’a malheureusement même pas eu les honneurs d’une programmation sur la télévision d’antan, puisqu’il s’agit en réalité d’une série commandée par le site web France.tv Slash que je découvrais par la même occasion. Au fond, c’est peut-être pour cela que Mental, débarrassée de la pression imposée par la télé traditionnelle, est si bonne. Quoi qu’il en soit, Netflix l’a récupérée et vous ne devriez pas passer à côté.