Makanai : Dans la cuisine des maiko, Netflix
L’univers des geishas reste entouré de mystères, avec des représentations récentes souvent faussées qui en faisaient des prostituées de luxe. On connaît assez mal au fond ces femmes de compagnie et danseuses qui perpétuent un art vieux de plusieurs siècles et Makanai : Dans la cuisine des maiko en offre un bon aperçu. Créée par Hirokazu Kore-eda qui réalise aussi les trois premiers épisodes, cette mini série Netflix adapte un manga et propose une plongée sans jugement dans ce monde étonnant. En suivant deux adolescentes qui espèrent devenir des maiko, des apprenties geishas, les neuf épisodes dressent un portrait réaliste et tout en douceur de ce milieu extrêmement fermé. J’attendais plus de recul ou même un regard davantage critique de la part du cinéaste japonais, mais je comprends son intention et même s’il se contente de capter des moments de vie sans drame, il ne masque pas les aspects plus négatifs de ce monde.
Tout se déroule dans le quartier de Gion à Kyoto, l’un des derniers endroits au Japon où l’on trouve encore des geishas et toute la culture associée. Loin des évolutions du monde moderne, on vit ici au contraire tourné vers le passé, dans un quartier qui n’a pas bougé depuis des siècles : aucune voiture nulle part, des petites routes et des maisons traditionnelles qui semblent incroyablement mal isolées face aux hivers rudes dans ce coin du monde. Les maiko qui viennent là avec des espoirs de devenir geishas doivent abandonner tout confort moderne et adopter un mode de vie strict. Leur quotidien est alors entièrement tourné vers l’apprentissage des danses et de toutes les coutumes de ce mode de vie ancestral et oublier en échange leur téléphone portable et leur liberté. Ce qu’elles font pour autant de leur propre chef et parfois même à l’encontre de l’avis de leur parent, du moins chez Hirokazu Kore-eda, où Kiyo et Sumire débarquent de leur Aomori septentrional et entrent dans leur nouvelle maison. Cours de danse, apprentissage des bonnes manières… Sumire prend très vite le pli et semble destinée pour cette vie, quand Kiyo traine les pattes et finit par être virée du cours par la prof sévère. C’est alors qu’elle remplace la « makanai », la femme qui cuisine traditionnellement pour les maisons de maiko et elle découvre à son tour sa passion.
Makanai : Dans la cuisine des maiko suit le quotidien des deux adolescentes pendant un an. En neuf épisodes d’une petite heure, on a à la fois le temps d’en voir beaucoup et finalement assez peu. J’aurais aimé en savoir encore davantage sur ce monde étrange et comprendre les motivations de ces adolescentes qui abandonnent tout pour se consacrer à un art ancien et qui reste sexiste, même si on oublie la partie prostitution. Les maiko apprennent à faire plaisir à un public exclusivement masculin et à des hommes riches souvent âgés. Sans remettre en cause le concept même, Hirokazu Kore-eda ne masque pas quelques critiques sous-jacentes. Les geishas ne peuvent pas se marier sans arrêter leur activité et le retour d’une ancienne après son divorce provoque quelques remous. De manière plus générale, cet univers est extrêmement autocentré et isolé, ce qui peut faire souffrir les personnages de multiples manières. Sans compter qu’elles dédient tout à leur art, ce qui leur interdit toute relation sérieuse, du moins à l’extérieur de ce monde. Et que dire de ces coiffures sophistiquées avec lesquelles elles doivent dormir la nuit, au prix de grandes souffrances.
Ces défauts existent et la série de Netflix ne les évite pas, mais fidèle à son habitude, le cinéaste japonais préfère se concentrer sur son sujet fétiche : la famille. En l’occurrence, celle que l’on se choisit, ces jeunes femmes formant un groupe solide qui ressemble fort à une nouvelle famille. À ce titre, le rôle de la makanai est central, comme les scénaristes le montrent bien : c’est elle qui doit réconforter tout ce petit monde grâce à la nourriture, satisfaire toutes les gaiko et répondre à leurs besoins. Une cuisine simple, mais sophistiquée comme on peut l’imaginer, qui fait saliver plus d’une fois.