The Last of Us, HBO

The Last of Us, HBO

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Si les adaptations de jeu vidéo finissent rarement bien, il y a toujours des exceptions à la règle. On pouvait avoir confiance en HBO pour mettre le budget, mais cela n’aurait pas suffi : fort heureusement, la version télévisée de The Last of Us a été créée par Craig Mazin et Neil Druckmann. Le premier s’est fait connaître pour l’excellent Chernobyl, tandis que le deuxième n’est autre que l’un des créateurs du jeu vidéo. Une bonne base, qui a donné un résultat excellent. Je pourrais trouver à redire ici ou là, évidemment. Cette première saison m’a toutefois impressionné par la cohérence et même la crédibilité de l’univers post-apocalyptique, en parvenant à réinventer un monde de zombie sans tomber dans la redite, et par l’épaisseur psychologique des personnages et même l’intensité de leur existence, aussi brève soit-elle. The Last of Us est un grand moment de télévision, à ne surtout pas rater même si, comme l’auteur de ces lignes, vous n’aviez jamais joué au jeu.

La base est toujours la même : une infection, sortie d’on ne sait où, provoque des excès de rage chez les gens qui les poussent à mordre leur congénère et transmettre par la même occasion la maladie. Dans l’univers imaginé pour The Last of Us, c’est un champignon qui vient se loger dans le cerveau humain et qui contrôle son hôte avec comme seul objectif de se démultiplier. En quelques jours à peine, nos sociétés s’effondrent sur elles-mêmes et les bombes lancées par les armées contre leurs propres populations n’enrayent rien : le monde s’écroule en 2003 et quand la série débute vingt ans plus tard, il ne reste plus rien. Ou presque, puisque des survivants luttent comme ils peuvent, dans des zones de quarantaine gérées par ce qui reste de l’armée, ou dans des communautés isolées. Voici pour le décor, qui ne surprendra pas les fans d’apocalypse, mais qui parvient vite à trouver sa propre voie, pas si éloignée des classiques, pas tout à fait au même niveau. Le choix du champignon est très intéressant, tant visuellement que sur le plan scénaristique, avec notamment cette excellente idée du réseau de mycélium qui offre à la maladie une sorte d’esprit collectif sur une grande distance. Même si on se retrouve avec des zombies à la fin, Craig Mazin et Neil Druckmann prennent l’opportunité de réinventer encore une fois le mythe et ils ne se contentent pas de signer un remake de The Walking Dead, pour citer un célèbre exemple récent. Et puis de toute façon, ce n’est pas fondamentalement une série de zombie.

En effet, les zombies sont là, mais ils ne sont jamais les enjeux principaux : les survivants sont au cœur de chaque épisode. The Last of Us a conservé de nombreux éléments du jeu vidéo, y compris des séquences entières apparemment et le plus frappant est peut-être la structure entière de la série. Chaque épisode permet aux deux personnages principaux d’avancer sur fond d’une quête — Joel doit mener Ellie depuis Chicago vers un hôpital situé quelque part au centre du pays —, mais avec une indépendance relative à chaque fois. Sans revenir au feuilleton d’antan, les scénaristes ont découpé la saison en neuf épisodes bien distincts, y compris géographiquement. Le pilote se déroule à Chicago, l’épisode suivant à Boston, les quatrième et cinquième à Kansas City, le sixième dans le Wyoming, le dernier à Salt Lake City. Et entre chaque épisode, il peut se dérouler plusieurs mois, le temps nécessaire pour que les deux personnages évoluent, le plus souvent à pied. À chaque fois, ils font des rencontres, généralement malheureuses : à Kansas City, par exemple, ils tombent sur un groupe qui a pris le pouvoir et imposé une dictature plus dure encore ; plus loin, c’est le fanatisme religieux teinté d’une bonne dose de cannibalisme d’un autre groupe de survivants qu’ils doivent affronter. À chaque fois, c’est l’absence des zombies qui m’a surpris. Il y en a bien de temps en temps qui interviennent dans l’intrigue, mais ils restent rares et les scénaristes se concentrent davantage sur les survivants et leurs histoires. Les plus horribles, comme les plus belles.

Il est grand temps de parler de ce fameux troisième épisode. Au milieu de toute l’horreur déployée dans cet univers post-apocalyptique, Craig Mazin et Neil Druckmann choisissent de faire de la place à un flashback le temps d’un épisode qui dépasse l’heure et quart. C’est le plus beau moment de cette première saison de The Last of Us et sans aucun doute l’un des plus beaux moments d’une série tout court. Le récit de Bill et Franck, deux hommes qui se rencontrent par le plus grand des hasards dans ce monde détruit et qui trouvent l’amour pendant toute une vie. C’est parfaitement écrit, parfaitement interprété par Murray Bartlett et par Nick Offerman qui m’a surpris et touché par la justesse de son jeu, parfaitement mis en scène… tout est parfait dans cette bulle de douceur au milieu de toute la noirceur. Cet épisode justifierait à lui seul de regarder toute la saison, mais il faut aussi souligner les deux acteurs principaux qui forment eux aussi un duo touchant. Pedro Pascal est indéniablement meilleur sans casque et son alchimie avec Bella Ramsey est toute naturelle, si bien qu’on croit sans difficulté à leur relation. Une relation centrale, puisque The Last of Us tient largement sur ses épaules. Je ne sais pas encore si la deuxième saison, d’ores et déjà commandée par HBO comme on pouvait s’y attendre, sera à la hauteur. Quoi qu’il en soit, ces neuf épisodes valent absolument le détour.

Informations

Année : 2023

  • Nationalité :
  • États-Unis
  • Genre :
  • Drame

Durée : 9 épisodes de 59 minutes