The Days, Netflix
The Days, c’est Chernobyl version Fukushima. Cette série pour Netflix se penche sur l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima qui a eu lieu après le tsunami du 11 mars 2011. Quasiment heure par heure, en tout cas jour par jour, les huit épisodes détaillent au mieux le déroulé de l’incident, à partir du séisme d’une magnitude de 9,1 jusqu’à la stabilisation des quatre réacteurs nucléaires, sauvant in-extremis le monde d’une catastrophe bien plus grave qu’à Tchernobyl. Par rapport à la centrale nucléaire soviétique, toute la lumière n’a pas encore été faite sur l’accident japonais, mais on a une idée générale assez précise. Jun Masumoto a construit sa série sur trois livres, dont celui écrit par Masao Yoshida, le directeur de la centrale qui est parvenu à garder le contrôle pendant plusieurs jours éreintants. C’est aussi lui, ou plutôt son personnage interprété par Koji Yakusho, qui est aussi le héros de cette version adaptée pour la fiction, même si elle reste assez fidèle aux faits tels qu’on les connaît.
Vu depuis la France, l’événement m’avait semblé bien plus rapide qu’il ne l’était en réalité. Je ne me rappelais pas que les gestionnaires de la centrale nucléaire ont lutté pendant plusieurs dizaines d’heure face à une situation qui s’est rapidement aggravée. Lors du séisme initial, Fukushima s’arrête automatiquement comme le veut la procédure et le premier choc n’endommage rien de façon irrémédiable. Après tout, la zone est sismique et les infrastructures ont été pensées pour tenir face à des séismes et même des tsunamis. Mais la vague de 15 mètres qui frappe les lieux moins d’une heure plus tard est deux fois plus haute que ce que les concepteurs de l’usine avaient prévu. L’eau envahit les quatre réacteurs au niveau de la mer et surtout toutes les génératrices au diesel qui se chargeaient alors de maintenir le combustible nucléaire à une température acceptable. Brutalement, tout s’arrête et l’emballement est à prévoir : si la matière nucléaire n’est plus activement refroidie, la température peut atteindre à terme 3 000° C et détruire le réacteur et des immenses infrastructures, provoquant des radiations à un niveau jamais vu. Le scénario du pire, dans le cas de l’explosion d’un réacteur qui entraînerait dans sa chute tous les autres de l’usine, prévoyait une zone de 250 km autour de Fukushima où la vie serait impossible. Cela aurait coupé le Japon en deux, rayé Tokyo de la carte et forcé 50 millions de personnes à déménager.
Fort heureusement, cette catastrophe n’est jamais arrivée. The Days sait maintenir la tension d’un bout à l’autre et nous faire intimement ressentir qu’on n’est pas passé loin. Les huit épisodes sont tous intenses, avec de multiples moments haletants et en même temps, assez lents. Même s’il y a quelques séquences qui auraient gagné à être raccourcies un petit peu, j’ai apprécié cette manière de procéder, en prenant le temps d’expliquer ce qui se passe et en faisant une place importante aux personnes et notamment à l’un des ouvriers morts suite au tsunami. L’accident de Fukushima a finalement été responsable de peu de morts et la série accorde du temps à l’un d’eux, un jeune de 21 ans dont on suit la famille au fil des épisodes. De manière générale, la création de Netflix laisse de la place pour les employés1 de l’usine qui ont travaillé sans relâche pour éviter le pire, sans épargner les dirigeants de l’entreprise et du gouvernement qui n’ont pas toujours réagi de la meilleure manière. Et même si, comme pour Chernobyl d’ailleurs, The Days va forcément alimenter la peur du nucléaire, j’ai trouvé le message final positif. Ce que critique le directeur de l’usine, ce n’est pas tant le nucléaire que la croissance sans limite de l’homme, quitte à détruire des écosystèmes entiers. Maintenant que la vie humaine y est impossible, la nature a repris ses droits à Fukushima, même s’il faudra encore plusieurs décennies pour finir de démanteler et nettoyer le site.
Des employés au masculin, exclusivement. J’ai été frappé de constater qu’il n’y avait pas une seule actrice dans The Days, sauf des rôles si secondaires qu’il s’agit presque de figurantes. Je ne sais pas si c’est le machisme de la série ou de la société japonaise, mais c’est effarant. ↩︎