Chef’s Table, Netflix (saison 7)

Chef’s Table, Netflix (saison 7)

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Netflix poursuit sa série de documentaires Chef’s Table avec une septième saison qui revient à la formule classique, après de nombreuses saisons spécialisées, comme celle consacrée à la pizza. Pas de thème ici, uniquement quatre chefs qui racontent leur histoire et donnent faim avec des plats toujours appétissants. Cette création de David Gelb fêtera bientôt son dixième anniversaire1 et la formule est désormais très bien établie. L’image est bien plus soignée que dans un documentaire traditionnel, il y a de nombreux plans qui évoquent le travail de Terrence Malick, la musique de Vivaldi revisitée par Max Richter pour mettre dans l’ambiance au cours du générique et des histoires qui se concentrent davantage sur l’histoire personnelle des chefs que sur la cuisine ou les difficultés à faire tourner un restaurant. J’ai toujours été grand fan de cette formule, même si je dois reconnaître qu’elle peut tourner un petit peu en rond. C’est d’ailleurs le cas des deux premiers épisodes, sympathiques à défaut d’être particulièrement novateurs. Nok Suntaranon, cheffe d’origine thaïlandaise à la tête du Kalaya à Philadelphie, donne envie de manger encore plus de cuisine thaï, mais c’est tout de même bien connu. Kwame Onwuachi a l’avantage d’avoir un parcours un petit peu plus intéressant, lui qui n’était pas prédisposé à se retrouver à la tête du Tatiana, un restaurant gastronomique de New-York où il célèbre ses origines africaines avec des plats à partager.

Fort heureusement, les deux épisodes suivants sont beaucoup plus intéressants, car politiques. J’ai tout particulièrement apprécié le portrait d’Ángel León, chef espagnol qui propose à Aponiente une cuisine exclusivement marine. C’est une démarche passionnante, à la fois car il ne cuisine que des produits de la mer et pas seulement des crustacés et du poisson, même les accompagnements et desserts viennent de l’océan. Surtout, il choisit de cuisiner tout ce que le milieu marin peut offrir, y compris du plancton et surtout la pêche normalement rejetée, transformée ici en charcuterie de la mer. L’épisode dénonce efficacement ce gâchis monstrueux, tout en mettant en avant son investissement dans la recherche, notamment pour promouvoir cette étrange céréale qui ressemble un petit peu à du riz et qui n’a besoin que d’eau salée pour pousser. Voilà qui donne envie de découvrir davantage cette étonnante cuisine, même si le restaurant se trouve de l’autre côté de l’Espagne, à Cadix, et même si, surtout, le menu est affiché à 310 € par personne. Même si on finance un beau projet, cela reste ultra-élitiste, une critique que l’on peut faire à toute la série d’ailleurs.

Même le dernier épisode, qui s’intéresse au duo constitué par Norma Listman et Saqib Keval au Masala y Maíz, un restaurant mexicain qui entremêle la cuisine locale à la cuisine indienne teintée d’influences africaines, oscille entre cuisine gastronomique hors de prix pour la majorité d’entre nous et critique du capitalisme. J’ai beaucoup aimé leur parcours et surtout leur lutte contre les abus qui sont hélas encore trop souvent la norme dans le monde de la restauration. Leur message contre le patriarcat ainsi que leur vision du travail donnent autant envie que leurs plats particulièrement appétissants, cela reste toutefois hors de prix. C’est aussi une cuisine qui ne pense pas tellement à l’environnement, un autre point qui me semble de moins en moins acceptable. Chef’s Table accorde bien trop peu de place à la cuisine végétarienne et continue de valoriser la gastronomie d’antan, celle qui considérait qu’un plat doit absolument se construire autour d’une pièce de viande ou un poisson. Si l’on s’en était peut-être éloigné un petit peu avec Ángel León, cela reste la base de tout malheureusement. C’est le cas dans les restaurants, certes, mais la série de Netflix a une part de responsabilité en choisissant ses sujets et il y a des chefs dans le monde qui célèbrent le végétal. Peut-être pour une prochaine saison…


  1. Ce coup de vieux… 🥲 ↩︎

Informations

Année : 2024

  • Nationalité :
  • États-Unis
  • Genre :
  • Documentaire

Durée : 4 épisodes