Carol et la fin du monde, Netflix
Pour une raison qui m’échappe encore, j’étais totalement passé à côté de Carol et la fin du monde lors de sa sortie sur Netflix il y a un petit peu plus d’un an. C’était une erreur, tant cette mini-série d’animation créée par Dan Guterman s’avère une excellente surprise. Le point de départ est bien trouvé : une planète apparaît mystérieusement dans le système solaire et sa trajectoire rencontrera celle de la Terre dans quelques mois. Tout le monde va mourir, mais ce n’est pas l’affaire d’heures ou de jours comme dans les films catastrophe, cette fois l’humanité a le temps de se préparer et de faire ce qu’elle veut dans le temps imparti. C’est comme un malade condamné par sa maladie, sauf que c’est à l’échelle de la planète. Tous les problèmes de dérèglement climatique ont soudainement disparu, tout comme le capitalisme, puisque l’argent n’a plus aucune valeur et que plus personne ne veut travailler, et même les valeurs sont bouleversées. Tout le monde part en voyage autour du monde pour multiplier les expériences avant de mourir. Le naturisme, le polyamour et toutes les configurations imaginables sont testées, la liberté est totale… et au milieu de tout ce joyeux bazar, il y a Carol.
L’idée de génie des scénaristes est de partir de cet environnement de liberté absolue et d’opter pour un personnage qui ne veut rien de tout cela. Carol regrette son ancienne vie réglée, elle ne veut pas voyager autour du monde et ce n’est pas tant la fin du monde à venir qui l’ennuie que ce nouveau monde qui exige d’elle d’être quelqu’un qu’elle n’est pas et qu’elle ne veut pas devenir. À ses parents inquiets pour leur fille, elle ment en disant faire du surf toutes les semaines, alors qu’elle reste toute seule, le plus souvent dans son appartement, parfois dans ce que l’on imagine être son ancien lieu de travail. Carol et la fin du monde se construit ensuite autour d’une firme de comptabilité qui continue de travailler envers et contre tout, avec des dizaines d’employés qui viennent tous les jours réaliser leurs tâches comme s’ils avaient encore un salaire qui les contraignait. C’est en partie un sommet d’absurdité, avec cette stricte hiérarchie et un sens du devoir à accomplir au sein d’une société où le concept même de comptabilité n’a plus de sens. C’est aussi une délicieuse défense du salaire universel, une belle preuve que les gens ne cherchent pas qu’un travail pour payer les factures. Quand Carol découvre cet environnement préservé comme avant, elle s’y épanouit pour la première fois, même si elle ne comprend pas tout à fait la raison d’être du lieu.
C’est d’ailleurs ce qui ressort le plus des dix épisodes imaginés par Dan Guterman. Sous couvert d’une comédie absurde, Carol et la fin du monde se révèle finalement comme une grande série qui interroge notre humanité et notre rapport aux autres. C’est aussi une série hilarante, portée par la voix si atypique et si parfaite de Martha Kelly, mais la création de Netflix est d’une richesse assez rare. Je n’étais pas surpris de noter que son créateur avait aussi travaillé sur Rick et Morty qui fait preuve, dans ses meilleurs moments, de la même aptitude à transcender l’humour pour atteindre les sujet sérieux.