Blue Eye Samurai, Netflix (saison 1)
Blue Eye Samurai imagine une histoire de vengeance qui semble assez classique sur le papier, même s’il est bien connu qu’il ne faut pas se fier aux apparences. De fait, la série créée par Amber Noizumi et Michael Green est loin d’être aussi banale que son point de départ le laisse imaginer. Certes, on suit un samuraï qui cherche à se venger en tuant quatre hommes qui pourraient chacun être son père. L’intrigue se déroule au Japon dans l’ère Edo, l’âge d’or peut-être des combats au sabre dans un pays refermé sur lui-même. C’est d’ailleurs un des enjeux de la première saison, à la fois parce que le personnage de Mizu est à moitié occidental, ce qui lui vaut un rejet universel et la qualification de démon. Et à la fois parce que l’intrigue secondaire se construit autour d’une tentative d’un irlandais pour prendre le pouvoir sur le Japon en réalisant un coup d’état grâce à ses fusils, une arme totalement absente dans le pays jusque-là. L’air de rien, Blue Eye Samurai parvient à rapidement complexifier son intrigue au départ basique en ajoutant ces éléments, et la série frappe aussi par l’écriture soignée de ses personnages, qui bénéficient tous d’une belle place pour développeur leur psychologie et progresser d’une manière crédible. C’est évidemment le cas pour le personnage principal, qui débute sur une quête de revanche assez simple et qui s’ouvre au fil des rencontres et des évolutions de l’intrigue. C’est aussi vrai pour les personnages secondaires qui ont tous été soignés, ce qui est assez rare pour le souligner.
Je n’ai pas encore évoqué la forme de la série portée par Netflix et pourtant, elle vaut le détour. Blue Eye Samurai est une série d’animation, réalisée d’ailleurs par un studio français, et qui porte un style atypique et particulièrement réussi. Entre 2D et 3D, il évoque par endroits le jeu vidéo, même si c’est surtout à la peinture qu’on pense en regardant les décors magnifiques. J’ai régulièrement été bluffé par cette animation, qui n’essaie nullement de chercher le réalisme et qui m’a en tout cas presque donné envie de mettre en pause pour l’admirer dans quelques séquences. Cette animation offre aussi une liberté créatrice à la série, qui n’hésite pas à faire fi des contraintes du réalisme. Assez violente graphiquement, sans tomber dans le gore inutile pour autant, elle enchaîne les séquences de bravoure, en particulier le temps d’un épisode éprouvant lors de l’attaque d’un château. La créativité des animateurs est rafraichissante et apporte beaucoup à l’ensemble, qui s’éloigne ainsi encore un petit peu plus de la banalité de son point de départ. On l’oubliait déjà avec la profondeur de l’histoire et de ses personnages, elle disparaît totalement face à la qualité de l’animation.
Pour ne rien gâcher, Blue Eye Samurai contient quelques bonnes surprises sur les questions de genre et de sexualité. Sans trop en dire pour ne pas dévoiler un secret (bien mal gardé en réalité), j’ai apprécié le jeu mené par les scénaristes sur ces sujets, ce qui ancre au fond cette histoire qui se déroule au XVIIe siècle dans notre réalité. Il est question de la place des femmes dans une société forcément si machiste, mais aussi du rôle que les hommes doivent occuper et aussi de désir sexuel, avec une liberté qu’on n’attendait pas forcément. Un avantage de plus en faveur d’une série qui, en une seule saison, atteint un beau niveau déjà. Ses concepteurs ont des idées pour trois ou quatre saisons en tout, Netflix a déjà renouvelé pour une deuxième saison et je ne la raterai pas.