Black Mirror, Netflix (saison 6)
Je n’aurais pas parié sur l’arrivée d’une sixième saison de Black Mirror. Non pas que la série d’anthologie créée par Charlie Brooker il y a douze ans de cela était devenue insupportable, les cinq saisons précédentes étaient toutes intéressantes à leur manière. Mais cela faisait quelques années depuis la diffusion de la précédente saison et le risque de se répéter était bien réel. Ce retour se fait néanmoins avec un angle différent : les écrans noirs qui ont donné leur nom à la série ne sont plus au centre des enjeux, pas plus que la science-fiction d’ailleurs. Black Mirror ose suivre des chemins différents, avec des épisodes qui se déroulent dans le passé et l’exploration de genres différents. Ce n’est pas toujours réussi, mais ces cinq nouveaux épisodes sont intéressants et méritent sûrement un petit peu de votre temps.
La science-fiction reste au programme, mais c’est peut-être l’épisode le plus faible pour moi. « Mon cœur pour la vie » est une uchronie qui imagine deux astronautes en route vers une destination lointaine et à qui on a créé des doubles mécaniques pour que leur âme reste avec leur famille. Une idée intrigante, mais que j’ai trouvé assez mal exploitée, avec une histoire pleine d’incohérences et surtout prévisible. Le choix d’ancrer cette intrigue dans les États-Unis des années 1960 ressemble à une dose de nostalgie un petit peu trop gratuite et j’ai trouvé que cela n’apportait rien d’intéressant. La performance d’Aaron Paul ne m’a pas semblée aussi époustouflante que sur le papier et au bout du compte, j’étais assez déçu. En restant dans la science-fiction, j’ai nettement préféré le premier épisode, « Joan est horrible », qui est sorti pile au bon moment, pendant la grève des acteurices et des scénaristes. Dans cet univers proche du nôtre, la technologie permet à Netflix Streamberry de générer des séries en temps réel, grâce à un l’histoire vraie de ses utilisateurs, au scan 3D d’acteurs et à des scénarios produits par un ordinateur quantique. C’est peut-être l’histoire la plus « Black Mirror » de toutes, mais j’ai trouvé pour le coup que c’était malin et les surprises en cours de route sont bien amenées, mais je n’en dirai pas plus.
Quand on sort du genre, Black Mirror ne vise pas toujours juste, mais comment lui reprocher de ne pas essayer ? Évacuons « La journée de Mazey », qui tente une plongée dans le fantastique avec l’angle intéressant des paparazzis, un angle qui n’est pas réellement exploité je trouve, ce qui fait que l’on a l’impression de passer à côté. J’ai préféré « Démon 79 » qui termine la saison alors qu’il a été manifestement le premier écrit par Charlie Brooker. Cette fois, on se plonge dans l’Angleterre de la fin des années 1970, avec d’un côté la montée du nationalisme et de l’autre une histoire de démon meurtrier teintée d’apocalypse nucléaire. Un drôle de mélange, pour une histoire assez amusante et qui donne envie d’en voir plus d’Anjana Vasan, épatante dans le rôle principal. La vraie surprise de la saison pour moi, c’était toutefois « Loch Henry », qui oscille entre horreur et thriller, avec une bonne dose d’humour noir. Le suspense de l’enquête, la beauté à couper le souffle des paysages écossais, les habitants renfrognés, l’horreur des faits… je l’ai trouvé très efficace.
Est-ce un nouveau départ pour Black Mirror ? Peut-être bien, dans le sens où Charlie Brooker s’éloigne de la formule originale et décrète qu’il peut faire ce qu’il veut de son anthologie. Je suis curieux de voir s’il compte explorer encore d’autres genres et expérimenter encore davantage à l’avenir. En tout cas, critiquer la technologie était sans doute devenu trop évident dans les années 2020 et ce changement de cap était probablement salutaire pour cette raison.