Better Call Saul, AMC (saison 6)
Sept ans après la diffusion de sa première saison, Better Call Saul trouve sa conclusion avec treize nouveaux épisodes. Quand Vince Gilligan et Peter Gould ont lancé cette série qui retrace l’histoire d’un personnage secondaire de Breaking Bad, j’étais loin de penser qu’il y aurait suffisamment d’idées pour tenir six saisons. Et pourtant, c’est indéniablement le cas : ce spin-off n’a cessé au fil des années de me surprendre, atteignant et même surpassant le niveau de l’originale, notamment sur son cœur, avec les saisons 3 et 4 qui resteront à mon sens les meilleures. Avec la cinquième et surtout cette sixième et ultime saisons, Better Call Saul termine de faire le pont avec Breaking Bad et va même au-delà, en concluant pour de bon le parcours de Saul Goodman, avocat véreux et salopard au grand cœur. C’est peut-être plus contraint par les liens qu’il faut bien tisser avec la première série AMC, mais ne boudons pas notre plaisir : c’est impeccablement mis en scène, parfaitement bien joué et surtout remarquablement raconté.
La cinquième saison se terminait sur l’attaque ratée contre Lalo Salamanca, la sixième reprend au même point et suit pendant quelques épisodes la fuite de Nacho Varga face à la colère du cartel. En parallèle, Saul et Kim travaillent ensemble pour détruire la réputation de Howard Hamlin, creusant encore l’étrange histoire d’amour entre les deux avocats qui a traversé toute la série. Ces deux arcs semblent avancer en parallèle, mais ce n’est qu’un leurre, comme Vince Gilligan et Peter Gould savent si bien les exploiter. Ils occupent en tout cas toute la première moitié de cette conclusion, séparée en deux parties bien distinctes. Better Call Saul a toujours joué sur plusieurs plans temporels, l’essentiel se déroulant avant Breaking Bad, mais depuis la première saison, de mystérieuses séquences en noir et blanc évoquaient le futur du personnage. Au passage, quel talent d’avoir conçu toute la série d’un bloc et anticipé cette fin dès le pilote ! La saison a ainsi la lourde tâche de faire lien des deux côtés, en piochant même dans l’historique des deux séries pour ajouter quelques flashbacks recréés aujourd’hui. Quelle surprise de revoir Walter White et Jesse Pinkman, interprétés par des acteurs qui ont bien vieilli depuis le tournage original — c’est surtout sensible pour le plus jeune, qui n’a plus rien d’un étudiant évidemment —, mais le savoir-faire et surtout le soin extrême des deux créateurs sauvent ces séquences du ridicule. Sur ce point, je dois encore saluer le travail exceptionnel de Bob Odenkirk qui parvient à interpréter les différentes versions de son personnage avec un naturel confondant, alors que l’acteur a bien vieilli depuis l’ère Breaking Bad. D’un plan à l’autre, on évolue entre trois époques différents et trois personnages qui le sont aussi, avec un jeu toujours remarquablement juste. Toute la fin ne repose plus que ses épaules et jusqu’au bout, son jeu est impeccable.
Terminer une série après six saisons, et surtout un univers complet quatorze ans après son apparition à la télévision, n’est jamais tâche facile. Je dois dire que l’histoire imaginée par les scénaristes de Better Call Saul est excellente, aussi simple qu’ingénieuse. Simple bien sûr, car il n’est pas question de terminer sur une fin ouverte, un cliff-hanger qui relancerait la série avant la saison suivante. Le choix du parcours de Saul Goodman est à cet égard logique, ce qui ne l’empêche pas de ménager quelques surprises. Ingénieusement, Vince Gilligan et Peter Gould continuent de nous mener en bateau, faisant croire à une fin quand leur objectif était tout autre. Ils savent ménager leurs surprises jusqu’au bout, sans pour autant tomber dans la surenchère. Et que dire de ce plan quasiment à la toute fin, où Saul et Kim s’adossent à un mur éclairé sur le côté pour fumer une cigarette, reproduisant presque à l’identique un plan du tout début de la série ? C’est tout le talent de Better Call Saul : une série brillante, sans jamais le souligner.