Anne with an E, CBC

Anne with an E, CBC

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Je dois confesser avoir découvert Anne de Green Gables en regardant cette énième adaptation pour CBC. Le roman publié en 1908 par Lucy Maud Montgomery est pourtant un classique qui a largement dépassé les frontières canadiennes, puisqu’il a été vendu d’après sa fiche Wikipédia à plus de cinquante millions d’exemplaires, ce qui en ferait l’un des livres les plus vendus au monde, rien que ça. J’ai ainsi découvert la série créée pour la télévision canadienne et diffusée par chez nous sur Netflix en toute innocence, sans avoir la moindre idée de ce qui m’attendait. Anne with an E m’a rappelé la délicieuse Downton Abbey, mais en version canadienne. On est quasiment à la même époque, la reconstitution historique est aussi soignée et surtout, tous les personnages sont riches et attachants, avec une bienveillance générale qui fait du bien de temps en temps. Un vrai bonheur, malheureusement écourté avec une troisième saison qui offre une conclusion bien trop prématurée à l’adaptation développée par Moira Walley-Beckett. Ce défaut mis à part, comment ne pas tomber amoureux d’Anne et de tout Avonlea ? Un coup de cœur.

Tout débute par l’arrivée d’Anne Shirley dans la petite bourgade d’Avonlea, une ville fictive située sur la bien réelle Île-du-Prince-Édouard, au nord est du Canada. L’orpheline espère trouver enfin une famille stable qui l’aimera, elle tombe sur le frère et la sœur Cuthbert qui espéraient adopter un garçon pour les aider à la ferme. Dès le pilote, la qualité de la reconstitution est éclatante, tout autant que l’excellence du jeu des acteurs, Amybeth McNulty en tête. La jeune actrice d’origine irlandaise a été choisie après un casting monstre et on comprend pourquoi dès sa première apparition. Son rôle est difficile, car le personnage est constamment enthousiaste — les contemporains diraient hystérique — et la jeune fille s’emporte en permanence dans des discours enjoués et presque ampoulés, ce qu’un acteur moyen pourrait aisément caricaturer. Rien de tel ici, sa sincérité est évidente et l’Anne imaginée par l’actrice explose à l’écran à chaque apparition, d’un bout à l’autre de la série. La reconstitution historique est aussi excellente et même si on repère ici ou là quelques fonds numériques de piètre qualité, les créateurs d’Anne with an E ont eu le bon sens de s’en tenir à des décors physiques et des costumes bien conçus. L’époque est ainsi parfaitement rendue, avec un sens du passé toujours présent et correctement exploité par plusieurs rebondissements que je ne révélerai pas. Ce qui ne veut pas dire que la série est dépassée, bien au contraire, elle trouve constamment des échos avec notre présent et actualise ses thématiques avec goût, que ce soit en direction du machisme ou du racisme.

Anne with an E n’est pas tout à fait une série politique, ce qui ne l’empêche en rien de traiter des sujets éminemment politiques. Il est question de féminisme et de libération de la femme, au sein d’une société entièrement ancrée dans la domination masculine, où une femme ne vit que pour son père, puis son mari1. Il est aussi question de racisme, avec la création de tout un arc absent du roman autour de Bash. L’escapade dans les îles de Gilbert est d’ailleurs assez déroutante au départ, mais je trouve que les scénaristes se rattrapent élégamment par la suite, en offrant au duo une place centrale. La troisième saison confronte aussi le Canada à son traitement inhumain des Amérindiens, dont les enfants étaient kidnappés pour être convertis de force au christianisme et au mode de vie occidental. Malheureusement, c’est un arc qui a été sacrifié à cause de l’annulation de la série suivant la troisième saison. Ce n’est pas le seul d’ailleurs, on sent que les scénaristes se sont empressés de refermer tous les arcs narratifs, quitte à aller trop vite sur les derniers épisodes et tout particulièrement sur le dernier. C’est dommage, d’autant qu’Anne with an E avait trouvé sa vitesse de croisière et aurait pu continuer sur plusieurs saisons. Néanmoins, ce n’est pas de la faute des créateurs de la série si elle a été abandonnée et ils ont au moins pu offrir une fin à peu près correcte.

Après trois saisons et 27 épisodes, on abandonne tous ces personnages avec un petit pincement au cœur. C’est bien le signe du succès de la série : Anne with an E a réussi son pari en proposant une adaptation si vivante et des personnages si humains. Quel dommage de ne pas l’avoir autorisé à poursuivre au-delà…


  1. Avec une belle inclusion de l’homosexualité qui est sans doute un ajout par rapport au roman, mais qui s’intègre ici admirablement. J’aurais aimé que le personnage de Cole trouve une place encore plus grande, mais je reconnais le travail réalisé par la série. ↩︎

Informations

Année : 2017 à 2019

  • Nationalité :
  • Canada
  • Genres :
  • Drame
  • Familial

Durée : 27 épisodes de 47 minutes