
Adolescence, Netflix
Peut-on parler d’Adolescence sans d’abord évoquer le dispositif incroyablement dingue qui porte la série ? Les quatre épisodes d’environ une heure sont tous des plans-séquence sans aucune triche. Chaque épisode a été tourné d’un bout à l’autre, sans coupe cachée dans un mur ou un autre obstacle comme on en voit parfois. On suit l’action en temps réel sans pouvoir y couper et s’il y a évidemment un côté démonstratif, c’est aussi une excellente manière de créer une tension et d’impliquer le spectateur. On a l’impression d’assister à une véritable scène en direct, bien plus qu’avec une narration traditionnelle, avec un sentiment d’urgence assez oppressant, en particulier dans le troisième épisode qui se résume presque à une seule scène entre deux personnages. C’est très fort et il faut bien reconnaître que cette prouesse technique est une véritable réussite qui mérite d’être saluée. D’autant qu’ils n’ont jamais triché et qu’il a fallu plusieurs prises pour parvenir jusqu’au bout de chaque épisode, ce qui ressemble à un vrai cauchemar pour tout le monde. C’est encore plus bluffant quand on pense que l’acteur qui incarne Jamie, Owen Cooper, n’avait jamais tourné avant cette série ! Je savais avant de regarder la création de Netflix que ça allait être le cas et pour être honnête, je pensais initialement que ce serait un peu gadget. J’avais tort, ce choix apporte un réel bénéfice, en forçant la série à rester ancrée sur quatre moments très intenses, ce qui lui apporte un vrai plus.
Le fond est intéressant aussi, avec une histoire de meurtre sur un fond hélas bien trop banal de masculinisme et de sexisme. Adolescence la raconte de manière morcelée, son choix radical ne lui permet aucune autre option : le premier épisode est celui de l’arrestation, le deuxième correspond au temps de l’enquête le lendemain, le troisième à l’analyse psychologique quelques mois plus tard et le quatrième aux conséquences sur la famille plus d’un an après. J’ai bien aimé ce choix, qui permet de reconstituer la vérité à travers ces fragments de temps, sans pour autant tout éclairer. J’ai aussi apprécié la complexité du propos, qui ne condamne pas en bloc des personnages, qui cherche à comprendre les motivations sans excuser l’horreur et qui dresse une situation nuancée, même s’il manque le point de vue de la victime, forcément. Les flashbacks ne sont pas une option dans un plan-séquence, alors il faut accepter ce manque, même si les scénaristes auraient sans doute pu lui laisser davantage de place, notamment à travers le personnage de son amie dans le deuxième épisode. J’ai trouvé en tout cas que les choix étaient pertinents, avec une analyse assez complète du geste et de ses conséquences et les scénaristes sont même parvenus à créer des personnages complexes malgré la brièveté de l’ensemble. Le détective en charge de l’enquête, par exemple, a droit à une attention particulière grâce au rôle du fils, c’était inattendu.