Acharnés, Netflix
Un klaxon un peu long accompagné d’un doigt d’honneur et Danny perd la tête. Il fonce au volant de son pick-up pourchasser le SUV blanc qui lui a fait du tort. Commence une longue poursuite qui ne se termine pas avec quelques fleurs abimées dans le malheureux jardin qui s’est trouvé sur leur route, mais bien plus tard, avec une série d’agressions qui va crescendo jusqu’au dernier épisode. Acharnés mérite d’être vu sans trop en savoir à son sujet. Lee Sung Jin commence avec un point de départ hélas trop banal — l’agressivité au volant teintée de masculinité toxique — pour aboutir sur une double histoire riche et complexe. Il est question de dépression, de capitalisme, de racisme et de famille dans ce tourbillon d’émotions fortes, une réussite à ne pas rater.
La série portée par Netflix cache bien son jeu. Elle débute avec un petit incident du quotidien et se transforme progressivement en réflexion globale sur le sens de la vie. Entre les deux, Acharnés déploie la relation explosive de ses deux personnages principaux en dix épisodes d’une demi-heure. Un format court qui colle parfaitement au projet, avec une bonne découpe des épisodes et une montée dans les tours qui est assez constante, même s’il y a une brève interruption avec une ellipse de quelques mois au milieu. Cette progression se fait naturellement, notamment grâce au talent des deux acteurs principaux : Steven Yeun, croisé dans The Walking Dead, est excellent dans le rôle de Danny, mais je retiendrai surtout Ali Wong, parfaite dans celui d’Amy. Ils sont tous les deux systématiquement énervés et font constamment n’importe quoi à cause de cette colère sourde, mais sans tomber pour autant dans la caricature. C’est d’ailleurs le véritable tour de force de la série créée par Lee Sung Jin : elle ne se contente pas d’étaler la violence brute, elle s’accroche à une réalité qui semble crédible dès la première seconde. Au fil des épisodes, Acharnès lève le voile sur toutes les raisons qui peuvent expliquer cette violence, sans la justifier pour autant. La dépression est un facteur clé, mais on peut aussi évoquer la pression familiale, notamment pour ces jeunes immigrés qui doivent face en outre au racisme ambiant. Toutes ces thématiques sont brassées par la saison sans tomber dans les explications simplistes pour autant et la création de Netflix s’avère bien plus riche qu’on pourrait le croire.
D’ailleurs, je ne pensais pas initialement que l’humour serait aussi présent et j’ai été agréablement surpris par la fin qui tire presque du côté des frères Coen. Le créateur a imaginé cette première saison avec des suites en tête et j’espère que Netflix lui permettra de continuer. Quoi qu’il en soit, les dix premiers épisodes d’Acharnés valent indéniablement le détour.