Steven Soderbergh, anatomie des fluides, Pauline Guedj
Il y a des cinéastes plus faciles à suivre et des carrières plus simples à analyser que le cas Steven Soderbergh. Alors que son tout premier long-métrage lui a offert la Palme d’or à Cannes, il a ensuite enchaîné les projets les plus variés, passant du film indépendant à tout petit budget parfois filmé à l’iPhone à la grosse production hollywoodienne avec un immense budget et un casting de stars, naviguant entre les genres et les styles. On peut vite se sentir perdus face à cette filmographie étrange qui semble partir dans tous les sens sans offrir d’angle d’attaque bien défini.
Pas de quoi décourager Pauline Guedj pour autant, bien au contraire même. L’autrice, anthropologue, journaliste et enseignante à l’université, s’est attaquée à cette carrière étonnante pour en extraire une analyse cohérente, comme les éditions Playlist Society s’en sont faits la spécialité. Le résultat est Steven Soderbergh, anatomie des fluides, un essai qui trace les lignes entre chaque création du réalisateur, au cinéma ou à la télévision, puisqu’il est largement responsable pour l’excellente The Knick. Elle ouvre avec le Festival de Cannes de 1989, avec son jury composé en urgence et Wim Wenders à sa tête qui décide de confier la Palme à un jeune américain inconnu. Un « faux départ », comme l’écrit l’autrice qui évoque ensuite les échecs commerciaux et artistiques qui se succèdent au début des années 1990 pour le cinéaste.
À partir de ces débuts, Steven Soderbergh met en place sa propre méthode. Entre les sentiers battus de Hollywood et les chemins balisés de Sundance, il choisit de suivre sa voie, alternant les projets différents, testant des techniques dans un film, les perfectionnant dans le suivant. C’est une vraie méthode, systématique et surtout qui peut offrir une vision d’ensemble cohérente à ses trente-cinq films et quatre épisodes de série, au moment où Steven Soderbergh, anatomie des fluides a été rédigé. Pauline Guedj parvient à mettre en lumière cette méthode, en piochant des exemples dans les différentes créations de son sujet et en le citant directement, Steven Soderbergh ayant souvent décrit ses intentions et sa manière de faire en interview. Le résultat est captivant, même si vous n’avez qu’une connaissance vague du sujet principal, car l’autrice prend toujours soin d’apporter le contexte nécessaire pour situer chaque long-métrage dans la filmographie complète, et pour comprendre les intrigues de chaque film.
Une lecture enrichissante, qui m’a donné envie de (re)découvrir toutes ces œuvres qui s’avèrent plus liées que je l’imaginais à la base.