Qui se souviendra de Phily-Jo ?, Marcus Malte

Qui se souviendra de Phily-Jo ?, Marcus Malte

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Peut-on faire confiance à un auteur ? Peut-on même faire confiance en son éditeur ? J’ai découvert Qui se souviendra de Phily-Jo ? sans rien connaître à son sujet, seulement sur la promesse d’un avis que j’estime, et d’un sujet qui m’intéressait. Grand bien m’en a fait : ignorant tout de Marcus Malte, tomber dans le piège qu’il me tendait d’en était que plus savoureux. C’est pourquoi, si vous n’avez pas lu ce roman et que le complotisme est un sujet susceptible de vous intéresser, je vous recommanderais d’arrêter votre lecture ici et de vous plonger dans ses 560 pages avant éventuellement de revenir pour la suite.

Si vous l’avez lu, vous savez déjà que le romancier imagine une histoire à partir de la mort de Phily-Joe et du récit narré par son beau-frère sur les circonstances suspectes. Qui se souviendra de Phily-Jo ? pourrait être un thriller, mais le choix d’un narrateur aussi proche de la victime pose dès le départ un problème. Il n’y a pas réellement d’enquête, c’est davantage un exposé de Gary Sanz sur la vie et les inventions de son ex beau-frère, un exposé à la première personne qui est présenté comme un essai écrit par ce prof de français qui vit au Texas. Cet essai est parcouru de notes et commentaires d’un certain Deon Zubrisky et il est par ailleurs d’un style ampoulé ou précieux, avec de multiples citations de poètes français par exemple. Il y a quelque chose qui ne va pas et c’est Marcus Malte qui met en place son dispositif, avec un double objectif très malin. Tout en rendant le lecteur méfiant avec ces histoires d’énergie libre qui ressemblent bien à du complotisme un peu bête, il parvient à pousser son lecteur à apprécier ce Gary Sanz et finalement à le croire. D’où la surprise quand cette première partie se termine et que le roman enchaîne avec un nouveau récit, cette fois présenté comme le travail de recherche de Dipak Singh, un étudiant qui s’intéresse aux condamnés à mort et tombe sur le cas de Gary Sanz, condamné pour le meurtre de sa femme. Le lecteur est alors comme abasourdi par la nouvelle, puisque cette mort a été présentée auparavant par le mari et l’empathie ressentie pour le personnage l’emportait sur les doutes. D’abord sceptique, ce deuxième personnage finit par adhérer aux thèses du premier et son récit tente de prouver l’innocente de Gary Sanz, jusqu’à sa mort dans un accident tout aussi brutal. Marcus Malte enchaîne alors avec la sœur de l’avocate avec qui Dipak Singh avait travaillé et qui semble elle aussi avoir disparu, puis avec un ancien du FBI qui a mené l’enquête sur sa propre disparition, etc. C’est un véritable jeu de poupées russes qui se met en place, avec des récits toujours plus brefs qui se termine par un fin volume en forme de coup de poing, pour ramener le lecteur à la réalité et aux actions récentes au sommet des États-Unis pour remettre en cause un fait aussi indéniable que le réchauffement climatique.

Quelle montagne russe. D’une main de maître, Marcus Malte manipule son lecteur d’un bout à l’autre, le faisant constamment osciller entre la méfiance et l’adhésion au complot de l’énergie libre. Si les plus hautes instances américaines, tant politiques qu’économiques, peuvent manipuler l’opinion à grande échelle sur un sujet aussi grave que le climat, pourquoi est-ce que l’on ne pourrait pas imaginer qu’ils fassent tout pour masquer l’existence d’une énergie gratuite et infinie ? C’est le tour de force de Qui se souviendra de Phily-Jo ?, parvenir à faire douter et rester constamment dans un entre-deux. Ce roman aurait pu être un thriller avec une fin fermée et des explications complètes, mais ce n’est pas son objectif. Au contraire, le livre s’arrête brutalement sans donner de réponses, mais avec ces questions brûlantes, c’est le cas de le dire, sur le réchauffement de notre planète et sur des entreprises et États qui avancent toujours dans la mauvaise direction. De quoi ressortir sonné de ce roman, qui a tout du grand roman que la quatrième de couverture promettait, mais qui n’est pas aussi américain qu’on veut bien le faire croire.

En tout cas, ignorant l’existence de Marcus Malte avant d’ouvrir cet ouvrage, j’étais persuadé grâce à la complicité de l’éditeur qu’il était bien américain et que son livre était bien traduit en français par un certain Édouard Dayms. Espiègle, le romancier a même pris un malin plaisir de glisser quelques « NdT », des notes du traducteur qui n’existait pas. En réalité, Marcus Malte est le pseudonyme de Marc Martiniani, né dans les années 1960 à La-Seyne-Sur-Mer. Quelle brillante idée d’ajouter une couche à cette poupée russe déjà bien garnie et je suis entièrement et avec délice tombé dans le piège…

Informations

  • Auteur :
  • Marcus Malte

Éditeur : Zulma

Année : 2022

Nationalité : France

Pages : 621