Le Réalisme magique du cinéma chinois, Hendy Bicaise
Dans l’excellente collection d’essais élaborée par les éditions Playlist Society, Le Réalisme magique du cinéma chinois m’intriguait et m’inquiétait un petit peu, parce que je ne connais rien de son sujet. Mes connaissances en matière de cinéma chinois sont déjà réduites, mais le sujet d’étude de Hendy Bicaise est encore plus restreint : il s’intéresse à une génération de cinéastes contemporains, en marge des gros circuits de distribution que je pouvais connaître. Par ailleurs, son angle d’étude est le Réalisme magique, un courant artistique dont j’ignorais l’existence avant d’ouvrir les premières pages de l’ouvrage. Pour autant, je n’ai jamais été perdu en lisant cet essai qui s’est avéré passionnant, tant sur la partie cinématographique que sur les esquisses d’analyses politiques sur la Chine.
Les œuvres que l’on associe au réalisme magique sont majoritairement réalistes, mais avec une touche de fantastique qui émerge sans prévenir. L’un des meilleurs exemples dans le cinéma chinois se trouve dans Still Life, un long-métrage de 2006 où un immeuble s’élève soudainement au milieu des autres, comme s’il s’agissait d’un gratte-ciel. Hendy Bicaise a compilé une longue liste d’œuvres produites en Chine ces quinze à vingt dernières années où il trouve une trace similaire, mais Le Réalisme magique du cinéma chinois n’est pas qu’une longue liste. L’essai offre non seulement un contexte, associant chaque œuvre avec l’histoire chinoise de ces mêmes années, il organise aussi toutes ces références de manière logique et offre des liens avec ce qui se déroule dans le pays. L’utilisation du réalisme magique peut être une manière de critiquer un système politique qui ne tolère aucune critique et pratique la censure. Mais ces films sont aussi souvent réalisés clandestinement, jusqu’à cet extrême où le contenu est uniquement l’audio d’un interrogatoire de police sur fond noir, sans aucune image. Ils sont aussi régulièrement à la frontière entre documentaire et fiction, quitte à brouiller les frontières.
Même si vous n’avez vu aucun des films cités par Hendy Bicaise, comme c’était mon cas, Le Réalisme magique du cinéma chinois mérite le détour. L’auteur est suffisamment pédagogue pour ne pas laisser ses lecteurs dans le noir, il explique rapidement l’intrigue ou le principe de chaque œuvre évoquée, ce qui permet de suivre son argumentation générale. J’apprécie aussi en fin d’ouvrage la liste condensée de dix films à voir si on veut découvrir le réalisme magique du cinéma chinois, elle est moins impressionnante que la liste complète qui suit et donne envie d’en voir plus.