La Maison des Chaînes, Steven Erikson
Après une inflation vertigineuse de l’épaisseur de chaque tome, La Maison des Chaînes donne presque l’impression d’être court en n’atteignant même pas les 900 pages. Le presque faisait l’essentiel dans la phrase précédente et ce nouveau volet de la saga reste toujours aussi dense, complexe et long. J’avais mieux aimé le troisième épisode, le plus long de tous jusqu’ici et pourtant peut-être aussi le plus accessible. Steven Erikson est fidèle à sa réputation en passant à tout autre chose et un autre lieu, même si on reste avec des personnages familiers. Ce quatrième tome se passe en réalité en parallèle du troisième côté chronologie et à la suite du deuxième côté personnages. Un autre aurait peut-être écrit et publié les romans dans le bon ordre et il faut ici avoir bien en tête tout ce qui précède, ce qui n’est pas simple quand on se rappelle la difficulté et la longueur de chaque épisode. Ceci étant posé, ce quatrième chapitre de la saga m’a semblé un petit peu moins bon, mais c’est sûrement un avis personnel avant tout.
J’ai bien aimé le début, où l’on suit Karsa Orlong et ses compagnons dans un univers différent, car totalement isolé du reste du mondé créé par le romancier canadien. Pour une fois, on suit un seul personnage sur quelques chapitres, j’ai trouvé ça rafraichissant et intéressant pour creuser les psychologies. Cela ne dure pas toutefois et bientôt la grande guerre malazéenne reprend vite le dessus. D’un côté, Tavore Paran, adjointe de l’Impératrice qui forme une immense armée pour attaquée Sha’ik, déesse qui a pris le corps de Félisine Paran, sœur de l’adjointe qui est déjà à la tête d’une grande armée au cœur d’un dessert protégé par une puissance magie. C’est simple résumé comme ça, c’est évidemment (faut-il le préciser ?) beaucoup plus compliqué dans La Maison des Chaînes. J’admire la capacité de l’auteur à ne pas suivre les voies évidentes, en l’occurrence à ne même pas essayer de représenter une grande bataille. Il l’avait fait à quelques reprises dans les tomes précédents, il préfère ici se concentrer sur les individus au lieu des masses. Il y a des complots dans tous les sens, avec des dieux qui manipulent des humains pour faire avancer leur cause et des humains rarement honnêtes qui essaient de tirer leur épingle du jeu dans cet immense bazar. C’est impressionnant d’arriver à créer autant de personnages, ce qui ne veut pas dire que c’est une bonne idée pour autant.
La liste de personnages à la fin est toujours essentielle et même avec elle, il est facile de se perdre. Sans compter que le romancier manque peut-être d’imagination, en tout cas il abuse de personnages qui ont un nom commun, ce qui m’empêche totalement de me les représenter. Nul, Infime, Bigleux, Perle, Vérité, Peut-Être, Calme, Couteaux, Voyageur… la liste est longue et je trouve cela perturbant. Pour ne rien arranger, les personnages changent de nom d’un tome à l’autre : Félisine devient Sha’ik et Crokus s’est renommé Couteaux. Fort heureusement, Steven Erikson trouve des moyens pour vous rappeler régulièrement les noms et même l’historique des noms, ce qui alourdit aussi un petit peu les dialogues. J’ai d’ailleurs été frappé ici par la quantité de fois où les personnages nomment leurs interlocuteurs en leur parlant, chose que l’on ne fait jamais en réalité. J’étais peut-être de moins bonne humeur, mais j’ai trouvé que c’était moins bien que dans le tome précédent. C’est sans doute aussi parce que je me suis un petit peu perdu sur la fin, quand l’affrontement devrait arriver et que l’on s’embourbe dans des conflits qui dépassent tout le monde, lecteurs y compris.
Cela étant, je suis pleinement engagé dans la saga maintenant et j’ai envie de savoir ce qui va se passer par la suite. Le cinquième volume du Livre des Martyrs m’attend dans la bibliothèque, je ferai sans doute une pause avec une lecture plus légère pour couper un petit peu, avant de me replonger dans cet univers riche et déstabilisant.