S’aimer dans la grande ville, Sang Young Park

S’aimer dans la grande ville, Sang Young Park

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Véritable phénomène d’abord en Corée du Sud puis dans le monde entier, S’aimer dans la grande ville arrive enfin en France, une traduction publiée cinq ans après l’édition originale. Sang Young Park est un jeune romancier manifestement promis à un brillant avenir, puisqu’il ne s’agit que de son deuxième livre et c’est même son premier roman. L’ouvrage a connu un tel succès que plusieurs adaptations sont déjà en cours, avec un long-métrage qui vient de sortir dans son pays et même une série en préparation. Je suis tombé sur le phénomène presque par hasard au détour d’un message publié sur les réseaux sociaux1 et comme l’amour dont il est question dans le titre était gay, je me suis précipité pour commander le roman.

Quelques 230 pages plus tard, je ne regrette pas mon choix et j’ai même été agréablement surpris. J’ai commencé S’aimer dans la grande ville en m’attendant à un roman facile à lire, une de ces œuvres qui semblent avoir été partiellement écrites en pensant à une future adaptation sur petit ou grand écran. Rien de tel ici, Sang Young Park impose dès les premières lignes un style bien à lui et son récit déconstruit est nettement plus intéressant qu’escompté. Sans parler d’autobiographie, le narrateur est disons très proche du romancier, par sa sexualité, son parcours professionnel et même son nom, qui n’est pas tout à fait défini même s’il y a des « M. Park » et « monsieur Young » au détour des phrases. C’est son expérience qui infuse, celle d’un jeune gay à Séoul, dans un pays encore très conservateur, où l’on peut encore croiser des hommes qui refoulent leur sexualité et la vivent en secret. C’est l’objet de l’une des histoires racontées par ce roman, découpé en quatre parties et qui opte pour une chronologie non-linéaire. Au départ, le narrateur évoque sa vie avec une amie avec qui il partage un goût pour les plans d’un soir avec des hommes. Par la suite, il se concentre sur cet homme plus âgé avec qui il a eu une relation toxique à cause de sa sexualité au placard. Enfin, la plus grande partie du roman, la plus belle aussi sans doute, est dédiée à sa relation avec Gyuho, sa première véritable histoire d’amour.

J’ai beaucoup aimé la manière dont le romancier nous trimballe d’une histoire à l’autre, sans introduction, sans même prendre la peine de situer chaque récit dans le temps. Ce côté flou est très intéressant, d’autant qu’il se combine à un style caustique parfaitement maîtrisé. Sang Young Park glisse des piques humoristiques au détour de ses phrases et son écriture est dense et acerbe. Le narrateur de S’aimer dans la grande ville se moque à la fois de lui-même et des autres gays qui l’entourent, tout en dénonçant l’archaïsme de son pays, que ce soit sur l’avortement ou le SIDA. J’ai été d’ailleurs frappé par le traitement de la maladie, surnommée Kylie dans le roman et qui n’est pas réellement un sujet, même si elle empêche une péripétie importante. C’est à l’image du reste : subtil et très bien pensé. En attendant de savoir si les adaptations seront à la hauteur, je ne regrette pas ma lecture et je recommande ce premier roman passionnant.

Informations

  • Auteur :
  • Sang Young Park

Éditeur : La Croisée

Année : 2024

Nationalité : Corée du Sud

Pages : 240