Souvenirs de Marnie, Hiromasa Yonebayashi
Souvenirs de Marnie est l’une des rares productions Ghibli qui m’avait échappée jusque-là et je me demande bien pourquoi. Ce long-métrage signé Hiromasa Yonebayashi n’a pas le même cachet que les réalisations Miyazaki, mais il est pourtant particulièrement bien écrit et dessiné, avec une histoire à la frontière entre réalisme et fantastique qui fait toute la réputation du studio. Mieux, son personnage principal qui souffre de sa différence et qui trouve sa place à travers ses souvenirs avec Marnie est l’un des plus beaux à mon sens du studio d’animation japonais, avec une psychologie parfaitement écrite et une émotion sincère. Une vraie réussite.
Dès les premières images, l’affiliation Ghibli est évidente, avec un environnement qui hésite constamment entre Japon et Occident. D’ailleurs, Souvenirs de Marnie est l’adaptation d’un roman de Joan G. Robinson, autrice britannique, et le cinéaste a souhaité conserver quelques traits caractéristiques du matériau original, même si sa version est explicitement placée dans l’archipel nippon. La maison de Marnie est occidentale, tandis que celle où habite Anna est à mi-chemin entre les deux mondes. Marnie elle-même reprend des traits européens, peut-être un petit peu exagérés d’ailleurs, avec cette jeune fille blonde aux yeux bleus qui ressemble à une caricature. Un choix d’autant plus étonnant qu’Anna est au contraire remarquablement dessinée, avec des traits androgynes qui collent parfaitement au personnage et à son histoire. Le Japon reste central, à la fois dans les noms et les lieux, et à la fois dans le traitement du fantastique. La bascule entre la réalité, qui est au passage reproduite avec une précision visuelle assez folle comme toujours, et l’état de rêve avec Marnie se fait avec tout le naturel que l’on a appris à aimer dans les Ghibli. On ne sait jamais sur quel domaine on se situe et Hiromasa Yonebayashi reste constamment dans un entre-deux qui convient à merveille au projet.
Contrairement à d’autres longs-métrages produis par le studio, Souvenirs de Marnie revient résolument au réel sur la fin et ce n’est pas du tout une déception. Le scénario apporte au contraire un nouvel éclairage bienvenu sur le parcours d’Anna, son enfance compliquée et ses difficultés à s’intégrer avec les autres enfants de son âge. J’ai trouvé que la psychologie du personnage principal était amenée avec une finesse et surtout un sérieux, une noirceur même, rares dans un film d’animation qui semble en apparence viser les publics de tous les âges. Même s’il peut se comprendre seulement comme une histoire mignonne, Souvenirs de Marnie est nettement plus profond que cela. Sans être aussi spectaculaire que d’autres Ghibli, c’est loin d’être une œuvre insignifiante pour autant et je ne comprends pas comment j’avais pu passer à côté.