Le Sommet des dieux, Patrick Imbert
Le Sommet des dieux est l’adaptation française d’un manga japonais qui évoque l’attrait des ascensions des plus hautes montagnes et en particulier de l’Everest. Un film d’animation hybride entre deux, voire trois cultures, c’est un choix intriguant. Le style de l’animation est plutôt européen, mais tous les personnages sont japonais et même s’ils parlent français — drôle de choix d’ailleurs —, c’est bien leur culture qui est mise en avant. Sans oublier le sommet de la planète qui joue un rôle à part entière, avec une reproduction qui surprend par sa fidélité et le niveau de détails. Le résultat de cette alliance étonnante est un film captivant. Patrick Imbert n’a gardé que le cœur des mangas publiés en cinq volumes et qui sont beaucoup trop amples et complexes pour l’heure et demi du long-métrage. Combinée à une animation magnifique, la question de la motivation qui traverse Le Sommet des dieux est parfaitement amenée.
Pourquoi vouloir monter toujours plus haut ? Qu’est-ce qui motive Habu à s’attaquer à l’Everest seul, sans oxygène, au cœur de l’hiver et par la face la plus compliquée ? C’est un défi à relever, car personne ne l’a fait avant lui. Il y a une forme de folie des grandeurs évidente, l’orgueil de se prendre pour des dieux et d’être au-dessus des hommes. Patrick Imbert n’essaie pas d’apporter de réponse facile à cette question toutefois, et elle n’arrive d’ailleurs qu’assez tardivement. Le scénario débute avec une mise en parallèle de plusieurs époques et un photographe qui enquête sur la disparition soudaine d’un prodige de l’alpinisme quelques années avant cela. Comme dans le manga, Le Sommet des dieux passe d’une époque à l’autre avec fluidité et légéreté. Le spectateur découvre en même temps que le personnage le parcours de Habu, son esprit solitaire qui l’éloigne des autres alpinistes, le gamin qu’il accepte d’emmener avec lui et qui meurt dans un accident, les défis lancés avec toujours plus de vigueur jusqu’à cette course dans les Alpes où il a failli mourir. Et à chaque étape, la même question inévitable : pourquoi continuer et s’entêter ?
Toute la fin se construit autour de l’ascension de l’Everest et le réalisateur parvient à créer une tension digne d’un thriller. J’ai trouvé ce final aussi réussi que glaçant, pas seulement parce que les conditions sont infernales quand on dépasse les 7 000 mètres. C’est un désert de glace mortel et quasiment dépourvu d’oxygène, un enfer où la mort guette à chaque instant. Malgré ces conditions extrêmes et malgré les dangers énormes, deux hommes s’entêtent pour monter toujours plus haut. L’animation donne alors le vertige, entre ces sommets encore plus hauts se cachent derrière les plus proches et cette ascension qui se fait de plus en plus à la verticale. C’est aussi terrifiant que magnifique et la bande-originale composée par Amine Bouhafa souligne avec justesse ces images vertigineuses. Un bel ensemble.