Seule la terre, Francis Lee

Seule la terre, Francis Lee

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Deux hommes qui passent plusieurs jours ensemble à surveiller des moutons dans un environnement sauvage et finissent par tomber amoureux. Non, il ne s’agit pas de l’excellent Secret de Brokeback Mountain, même si par un étrange hasard de circonstances, le nom de famille du réalisateur de Seule la terre est aussi Lee. Après les cow-boys du Wyoming dans les années 1960 filmés par Ang, voici les fermiers du Yorkshire à notre époque présentés par Francis. Si le rapprochement entre les deux long-métrage est impossible à éviter, il perd vite de son intérêt et douze ans après son prédécesseur, le projet de Francis Lee a toute sa place en optant pour un angle au fond assez différent. L’homophobie latente du Yorkshire rural est visible, sans pour autant en faire le sujet principal et à cet égard, Seule la terre se rapproche davantage de la romance, tout en laissant la place la plus importante au personnage principal et à sa découverte, non pas tant de sa sexualité que de la tendresse.

Le scénario prend d’abord le temps de présenter Johnny, sans mettre de gants d’ailleurs. Ce jeune homme s’est retrouvé à son insu à la tête de l’exploitation familiale suite à la détérioration de la santé de son père et il a du mal à accepter cette vie d’autant plus difficile qu’il n’obtient que des remontrances de la part de sa famille. La seule réponse qu’il connaisse est la violence, même si Seule la terre montre bien qu’il est aussi capable de faire preuve de tendresse envers ses bêtes. Malgré tout, il se fait du mal en buvant jusqu’à en vomir tous les soirs et en travaillant sans relâche, si bien que les seules relations intimes qu’il connaît sont aussi rapides que violentes, on pourrait dire bestiales. C’est ce que montre une séquence filmée presque un documentaire, un choix que l’on retrouve dans tout le film, tourné en plans serrés et avec un maximum de lumières naturelles. L’intrigue oppose cette boule de nerfs prête à exploser à Gheorghe, émigré roumain embauché pour donner un coup de main pendant une semaine en pleine période d’agnelage. Cette rencontre débute sous le signe habituel de la violence, avant de pencher tout doucement vers de la douceur. J’ai trouvé ce mouvement parfaitement maîtrisé, tant de la part du scénario qui parvient remarquablement à décrire les émotions des deux personnages, que par les deux acteurs évidemment. Alec Secăreanu est excellent dans le rôle de Gheorghe, même si c’est Josh O’Connor qui m’a le plus bluffé. Croisé depuis dans deux saisons de The Crown, il est parfait dans le rôle de Johnny et sa transformation est à la fois évidente et crédible, une belle prouesse.

Sa,s trop en dire sur la fin, j’ai aussi apprécié l’optimisme de Seule la terre. L’histoire entre les deux hommes n’est pas facile et elle doit faire face à de l’adversité, ce qui ne veut pas dire pour autant que l’homophobie doit l’emporter et que l’amour ne peut pas se faire une faire une belle place. Francis Lee a choisi de ne pas faire de l’homosexualité de ses personnages un sujet — pour preuve, l’acceptation pas évidente de la famille est montrée sans être mentionnée —, sans pour autant la masquer. Au contraire, leurs relations sexuelles sont bien rendues, avec même du nu masculin frontal si rare, sans tabou et avec un traitement réaliste, boueux même, qui surprend. À l’arrivée, malgré quelques points communs évidents, je trouve que Seule la terre est quasiment opposé à la vision du film d’Ang Lee, plus esthétique et pessimiste. Les deux méritent en tout cas le détour et la version britannique gagnerait à être plus connue. Je recommande.

Informations

Titre original : God's Own Country

Année : 2017

  • Nationalité :
  • Royaume-Uni
  • Genres :
  • Romance
  • Drame

Durée : 1h44