
Sans jamais nous connaître, Andrew Haigh
Pour une raison qui m’échappe, je n’ai pas tellement suivi la carrière d’Andrew Haigh, alors même que je me souviens encore avec émotion de Week-end, son premier long-métrage sorti il y a treize ans de cela1. C’est en tout cas la principale raison qui m’a donné envie de donner une chance à Sans jamais nous connaître, son dernier film dont je ne savais rien de plus que ce qu’annonce son affiche. C’était la meilleure manière d’aborder le projet et je vous encourage à en faire autant : si vous ne l’avez pas vu, commencez par regarder le long-métrage sans lire une ligne de plus, vous l’apprécierez d’autant plus ainsi.
En apparence, Sans jamais nous connaître pourrait ressembler à une redite des débuts d’Andrew Haigh. Dans un immeuble bien vide, Adam mène une vie de solitaire à écrire des scénarios quand il rencontre son unique voisin, Harry. Pour autant, ce n’est pas l’histoire d’un coup de foudre et l’adaptation d’un roman japonais de Taichi Yamada est en réalité bien plus complexe que cela. Adam veut écrire un scénario sur son enfance, juste avant la mort de ses deux parents quand il avait douze ans. Il se rend dans la maison où il a grandi et tombe nez à nez avec… son père, tel qu’il est resté gravé pour jamais dans son souvenir, coincé en 1987. On entre alors dans un tout autre genre, ce qui était inattendu : film de fantôme ou bien délire psychologique ? Le cinéaste ne cherche jamais à trancher et laisse jusqu’au bout la question ouverte, en suivant un équilibre fragile entre réalisme et fantastique. J’ai beaucoup aimé cette ambiance étonnante, le spectateur ne sait jamais trop sur quel pied danser et finit par tout remettre en cause, tout en profitant d’une très belle histoire.
Au cœur de tout ce dispositif, il y a des acteurs bien évidemment et Andrew Scott est sans surprise épatant dans le rôle principal. Il bascule d’une émotion à l’autre avec une facilité déconcertante et nous guide tout au long de cette histoire étonnante. À ses côtés, je découvrais Paul Mescal qui n’a pas qu’un joli corps à faire valoir, il est aussi excellent pour incarner le voisin qui devient amant, avec des scènes d’intimité qui font plaisir au cinéma… on sent bien qu’Andrew Haigh est un réalisateur gay. Toutes les scènes avec les parents sont aussi très touchantes, Jamie Bell et Claire Foy sont évidemment impeccables, et cette idée du coming-out rétroactif est tout simplement brillante. L’ensemble est déstabilisant et c’est un compliment : on bascule constamment d’une ambiance à une autre, on ne sait pas où l’histoire va nous mener et la fin est aussi ouverte que belle. Un vrai coup de cœur.
Ce coup de vieux… 😓 ↩︎