Prey, Dan Trachtenberg
Après un premier volet resté dans les annales comme un classique du cinéma d’action des années 1980, le personnage du Predator a laissé place à une série de navets tous plus ridicules les uns que les autres. C’est pourquoi l’annonce d’un nouvel opus dans cette saga bizarre avait de quoi me laisser indifférent et j’étais passé à côté de Prey, persuadé que sa sortie directement en streaming n’augurait rien de bon quant à sa qualité. J’avais tort, car le long-métrage de Dan Trachtenberg parvient à se hisser au niveau de l’originale et même le surpasser. Ne passez sous aucun prétexte à côté de cette excellente surprise.
Le concept est de reproduire l’affrontement originale entre la créature surpuissante et un humain, mais dans un tout autre contexte. Predator pariait sur la moiteur de la jungle sud-américaine, Prey se déroule dans les immenses espaces d’Amérique du Nord, au XVIIIe siècle. Avant la naissance des États-Unis d’Amérique, quand les Amérindiens étaient encore les principaux habitants, mais bien après la découverte du continent par Christophe Colomb. Un choix intéressant, pour éliminer l’homme blanc de l’équation ou en tout cas le laisser en retrait. C’est une tribu Comanche qui doit affronter le Predator et c’est même une jeune femme qui mène la danse, un choix symbolique qui renforce le message de ce film résolument moderne et progressiste. Naru refuse les conventions de son temps, elle ne veut pas se contenter des cueillettes comme les autres femmes du village, elle veut chasser comme les hommes. Personne ne la prend au sérieux, même si son frère, le meilleur chasseur du clan, essaie de l’aider. C’est elle qui comprend en premier que ce n’est pas un ours qui menace la région, mais une créature bien plus dangereuse et c’est elle qui mène le combat final, remplaçant ainsi le personnage interprété par Arnold Schwarzenegger il y a trente-cinq ans. Le choix d’Amber Mindhunter, qui s’était déjà fait remarquer dans l’excellente série Legion, est parfait pour incarner Naru. L’exercice était difficile, car les dialogues sont maigres et son interprétation doit reposer avant tout sur son jeu, mais l’actrice s’en sort sans aucune difficulté et elle apporte énormément au projet.
Quand Prey introduit finalement des hommes blancs dans l’équation, ce sont des braconniers français qui viennent décimer les troupeaux de bisons et qui sont d’une arrogance crasse face au Predator, ce qui leur vaut de tous mourir rapidement. Tout un symbole qui permet au long-métrage de se démarquer dans une saga beaucoup trop rétrograde dans ce domaine. Dan Trachtenberg a aussi l’intelligence de compter sur la compréhension des spectateurs et il ne perd pas son temps en exposition ni explications. À cet égard, on retrouve bien l’esprit de Predator et c’est aussi ce qui explique son succès. On est plongé dans une ambiance inquiétante, mais pas dans l’action brutale dès le départ, c’est une montée en puissance qui culmine dans un final jouissif. Le tout, sans recopier ce que John McTiernan avait inventé. S’il y a bien un passage dans la boue, c’est un clin d’œil qui n’a pas le même sens et notre héroïne trouve une autre manière pour disparaître aux yeux de son attaquant.
Face à un tel succès, le choix de ne pas sortir Prey dans les salles est une décision bien lâche de la part de Disney. J’étais ravi de pouvoir le regarder dans le confort de mon salon et la dalle OLED de mon téléviseur a été admirablement mis à profit par la photographie, mais je ne peux pas oublier que ce film d’action qui ne fait pour une fois pas appel à un héros blanc n’a pas été jugé digne du grand écran. Aussi scandaleux soit-il, ce choix ne doit pas éclipser le succès incontestable de Prey, une relecture brillante et même supérieure à mes yeux de Predator.