My Policeman, Michael Grandage
Situé à moitié à la fin des années 1950 et à moitié dans les années 1990, My Policeman raconte une histoire d’amour contrariée. Pour son adaptation du roman éponyme de Bethan Roberts, Michael Grandage commence quarante ans après les faits, par l’arrivée de Patrick, un homme en convalescence après une crise cardiaque dans la maison de Tom et Marion. D’emblée, le scénario frappe par la subtilité de son écriture et son travail d’orfèvre sur les silences. On ne sait pas encore ce qui s’est passé entre Patrick et le couple de mariés, mais la tension est palpable. Tom refuse d’aller le voir, Marion le lui reproche et on ressent toute l’amertume accumulée au sein du couple. J’ai beaucoup apprécié cette première séquence dans les non-dits et c’est un pilier du long-métrage, qui compte autant sur ses dialogues que sur ses silences.
Dans les années 1950, Marion, institutrice, rencontre Tom, policier, et les deux semblent vivre une histoire d’amour toute banale qui se conclut sur une demande en mariage. C’est du moins la vision offerte initialement au spectateur, qui est aussi celle de Marion, mais Michael Grandage instille le doute quant à Patrick. Cet employé du musée de Brighton où se déroule l’intrigue semble avoir été rencontré par hasard par Tom, mais il est toujours présent, à tel point que le couple pourrait être un trouple. Nous sommes dans les années 1950 néanmoins, il n’y a rien de tel évidemment, mais My Policeman laisse astucieusement une place aux questions. De retour dans les années 1990, Marion tombe sur le journal de Patrick et en le lisant, elle découvre sur le tard la vérité. Que son mari l’a rencontré bien avant elle, qu’ils étaient amants et amoureux quand elle a commencé à sortir avec Tom et que son mariage n’était en réalité qu’une façade pour les apparences. Cette histoire, hélas trop banale à une époque où l’homosexualité était encore un crime passible de prison, pouvait être traitée avec subtilité ou de manière caricaturale et c’est la première hypothèse qui, fort heureusement, prévaut ici.
La justesse des personnages est sans doute ce qui m’a le plus fortement marqué dans My Policeman. Le trio est écrit avec une précision et un réalisme rares, chacun avec ses forces et faiblesses. Tom est peut-être le plus intéressant du lot : coincé par les lois rétrogrades de son époque et par son travail qui le force à être un bourreau contre lui-même, il choisit systématiquement d’étouffer ses émotions et de taire ses sentiments. Face à sa femme, il refuse d’admettre son amour et préfère enterrer la conversation, une faiblesse qu’il reproduit encore quarante ans plus tard. Néanmoins, il a beau être follement amoureux de Patrick et couard face à Marion, ce n’est pas pour autant qu’il n’éprouve aucun sentiment pour elle et qu’il l’utilise sans contrepartie. C’est une partition subtile à jouer et Harry Styles est une bonne surprise dans ce rôle difficile. Emma Corrin — et surtout Gina McKee qui l’incarne plus âgée — à ses côtés est excellente pour incarner cette institutrice trompée par son mari et qui subit une vie misérable, sans pour autant tomber dans la haine contre Tom, ni même Patrick d’ailleurs. Les acteurs sont tous bons, mais encore une fois, je crois que c’est surtout l’écriture qui permet à My Policeman de sortir du lot. À ne pas rater.