Pinocchio, Guillermo del Toro et Mark Gustafson

Pinocchio, Guillermo del Toro et Mark Gustafson

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Pinocchio a beau être à l’origine un conte italien publié en 1881, il reste manifestement d’actualité. Rien qu’en 2022, il a été adapté deux fois et après une version en images réelles de Robert Zemeckis qui ne m’attirait pas tellement à la base et dont les critiques négatives ont fini de me convaincre de ne pas perdre de temps, c’est Guillermo del Toro qui s’y colle. Un choix assez logique quand on y pense, tant le conte est empreint d’une noirceur qui colle assez bien avec l’univers du cinéaste mexicain. Même la version originale de Disney sortie en 1940 était étonnamment sombre et ce Pinocchio1 pousse les curseurs encore plus loin en le plaçant au cœur de l’Italie fasciste. Un choix qui surprend, pour un résultat intéressant, avec un film d’animation magnifique au service d’une histoire qui aurait peut-être gagné à s’éloigner encore davantage d’un ton enfantin.

C’est le premier film d’animation réalisé par Guillermo del Toro, ou plutôt co-réalisé pour être exact, puisque le nom de Mark Gustafson est associé au projet. Le réalisateur a choisi la technique du stop-motion, où des marionettes en dur sont animées image par image pour créer le mouvement. Un choix qui semble évident pour adapter une histoire de marionettes qui prend vie et qui offre aussi au projet une identité visuelle singulière. Contrairement à l’autre Pinocchio sorti en 2022, cette version opte pour un traitement visuel qui l’éloigne résolument du réalisme. Les personnages visent au contraire la caricature, c’est particulièrement visible pour les plus négatifs d’entre eux — le comte Volpe et Mussolini en tête —, mais ils ont tous des traits qui les éloignent résolument de la réalité. J’ai beaucoup apprécié le traitement graphique du film, c’est indéniablement l’un de ses points forts et c’est vrai autant pour les personnages que les décors. L’univers est reconstitué avec beaucoup de soin et c’est un plaisir à regarder, avec comme seul petit bémol des reflets trop marqués sur le corps de Pinocchio lui-même, à tel point que l’on penserait presque plus à du plastique sur quelques séquences. Néanmoins, il faut saluer le travail graphique de haute tenue sur l’ensemble du projet.

Je serais un petit peu moins enthousiaste sur le fond. D’un côté, le Pinocchio imaginé par Guillermo del Toro est résolument adulte, avec un contexte historique fasciste qui trouve malheureusement bien trop d’échos avec notre actualité. D’ailleurs, le fait que le film se déroule explicitement dans l’Italie de Mussolini a une saveur particulière quand on songe à la politique actuelle du pays. Quel dommage dans ce cas de ne pas avoir poussé le concept jusqu’au bout et choisi un casting italien. Les acteurs sélectionnés par le réalisateur sont tous très bons, ce n’est pas le problème, mais leur anglais parfait crée un décalage avec l’Italie des années 1930, par ailleurs brillamment recomposée par les décorateurs. Cela dit, c’est un point de détail et le projet reste anglo-saxon après tout. Le décalage entre cet univers réaliste et sombre et le côté enfantin m’a en revanche gêné à plusieurs reprises. J’ai trouvé notamment que les chansons étaient de trop, elles cassent le rythme et semblent presque incongrues dans un tel contexte. Ce Pinocchio reste taillé pour les enfants, peut-être un peu plus âgés que le classique de Disney, alors qu’il aurait à mon avis gagné à aller plus loin dans le ton adulte. En l’état, n’est-il pas un peu trop adulte pour les plus jeunes et un peu trop enfant pour les plus âgés ?


  1. Le titre exact est Pinocchio par Guillermo del Toro, mais alors, non. ↩︎

Informations

Titre original : Guillermo del Toro's Pinocchio

Année : 2022

  • Nationalité :
  • États-Unis
  • Genres :
  • Animation
  • Fantastique
  • Drame

Durée : 2h01