À l’ouest rien de nouveau, Edward Berger

À l’ouest rien de nouveau, Edward Berger

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En matière d’absurde, la Première Guerre mondiale est en bonne place, mais alors que dire de ces assauts menés dans ses tous derniers jours, voire ses dernières minutes ? Edward Berger a choisi de modifier de manière assez significative la fin du célèbre roman de Erich Maria Remarque, mais sans perdre de vue son objectif ou son esprit. Cette nouvelle adaptation d’À l’ouest rien de nouveau dénonce frontalement l’absurdité de la guerre en général et de cette guerre menée sur un mince ruban de terre, sans aucun gain ni d’un côté, ni de l’autre et avec des millions de pertes humaines. C’est loin d’être le premier long-métrage qui évoque ce sujet naturellement, mais j’ai trouvé la démonstration implacable et la reconstitution de l’enfer des tranchées particulièrement réussie. Un film difficile à voir, comme il se doit étant donnée l’inhumanité de son thème.

Comme dans le roman, le contraste entre l’enthousiasme débordant de Paul et de ses camarades endoctrinés par leurs professeurs nationalistes et la réalité des tranchées est le premier coup de poing du film. À l’ouest rien de nouveau renforce ce message en débutant dans les tranchées, où les costumes des innombrables morts sont récupérés, envoyés au pays pour être rapiécés et donnés aux nouveaux soldats. De la chair à canon fraîche pour ces jeunes qui ont à peine 18 ans et qui partent heureux sur le front, avec le crâne bourré de mensonges sur la victoire proche de l’Allemagne et l’entrée à Paris promise quelques semaines plus tard. Dès leur arrivée en France, l’ambiance n’est plus la même : ils sont plongés sans ménagement dans l’enfer boueux des tranchées et doivent survivre tant bien que mal dans des conditions atroces entre deux attaques où ils meurent par millier. Paul, narrateur dans le roman, survit à la plupart de ses camarades, mais Edward Berger opte pour l’ellipse en nous emmenant début novembre 1918. Le spectateur sait que les jours de la Première guerre mondiale sont comptés, mais c’est encore loin d’être la réalité pour les soldats qui sont toujours envoyés à la boucherie tous les jours. Alors même que l’Allemagne a indéniablement perdu, ses généraux aux égos surdimensionnés continuent de croire en une victoire possible et refusent de se rendre à l’évidence. Une absurdité poussée à son extrême dans cette ultime séquence où le général en charge de Paul l’envoie avec tous les survivants reprendre une tranchée allemande perdue aux Français à quinze minutes du début officiel de l’armistice.

Erich Maria Remarque n’allait pas aussi loin dans le sens de l’absurde, mais je ne trouve pas que l’adaptation proposée par Netflix soit faussée pour autant. Certes, la fin est peut-être un petit peu exagérée1, néanmoins l’esprit du roman est toujours présent. Par ailleurs, intégrer des scènes à Compiègne sur la signature de l’armistice est une bonne idée, à la fois pour montrer le décalage entre les militaires et civils, et à la fois pour évoquer les conditions inutilement dures de la France qui était en train de l’emporter et qui en a profité pour écraser l’Allemagne. Un choix que l’on peut directement lier à la montée du nazisme et la Seconde guerre mondiale quelques années plus tard. À l’ouest rien de nouveau dans sa version originale se centrait exclusivement sur le point de vue de son personnage et ne pouvait l’évoquer, mais c’est une excellente idée pour prolonger le thème de l’absurdité de la guerre, et des hommes qui la font.


  1. Le héros qui, après avoir été transpercé par une baïonnette, parvient encore à monter quelques marches pour sortir du bunker, est clairement de trop. ↩︎

Informations

Titre original : Im Westen nichts Neues

Année : 2022

  • Nationalités :
  • Allemagne
  • Royaume-Uni
  • Genres :
  • Drame
  • Guerre
  • Histoire

Durée : 2h28