Moneyboys, C.B. Yi

Moneyboys, C.B. Yi

Publié le

Pour son premier long-métrage, C.B. Yi ne choisit pas le sujet le plus facile en s’intéressant aux « moneyboys », ces jeunes hommes qui quittent leur campagne natale pour gagner leur vie dans les grandes villes chinoises en vendant leur corps. Même si l’homosexualité n’est pas interdite en Chine, elle reste extrêmement mal vue et provoque souvent une rupture totale, qui peut même être violente, avec la famille. Le comble, c’est que ces jeunes le font pour aider leur famille justement, en envoyant tout l’argent qu’ils peuvent mettre de côté. Le réalisateur sino-autrichien, qui a appris son art auprès de Michael Haneke, rien que ça, a considéré un temps écrire un documentaire, ou alors une œuvre mêlant fiction et réalité. Face à la difficulté de tourner sur place et le tabou représenté à la fois par l’homosexualité et la prostitution, il a finalement opté pour un tournage à Taïwan et uniquement basé sur la fiction. Ce qui ne l’a pas empêché de se documenter, ce qui se voit : Moneyboys surprend en effet par le réalisme de son ton.

C’est aussi lié à sa décision de maximiser les plans fixes et de prendre le remps de poser chaque séquence. C.B. Yi pose ses caméras et laisse ses personnages parler et évoluer sans les bouger en permanence. Ce dispositif offre à Moneyboys une sensation de calme qui tranche étrangement avec la violence de son sujet. Une séquence qui m’a particulièrement marquée se déroule dans le village natale du Fei, où il revient brièvement voir sa sœur et son père après un passage en prison pour prostitution. Au cours du repas où seuls les hommes de la famille s’attablent — les femmes sont manifestement réquisitionnées dans la cuisine —, le héros est visé par des attaques au départ détournées et de plus en plus directes de la part de son oncle. La séquence se termine avec une attaque physique en arrière-plan, avant une ellipse qui nous emmène dans le bus du retour. Les ellipses, c’est d’ailleurs la deuxième caractéristique forte du long-métrage. Le réalisateur n’hésite pas à couper les scènes abruptement, y compris en pleine action. Charge au spectateur de reconstituer l’histoire complète, ce qui reste assez aisé, même si le regard occidental peut avoir du mal à faire la distinction entre les acteurs qui, en plus, se ressemblent un petit peu tous. Il y a indéniablement un type « minet » pour ces garçons de l’argent et il m’est arrivé une fois ou deux de les confondre.

Malgré la douceur de sa mise en scène, Moneyboys reste une œuvre violente. La violence est psychologique, avec une société qui rejette ces hommes qui vendent leur corps pour d’autres hommes, mais aussi physique. Fei le découvre en fréquentant le mauvais client une fois et quand son petit ami essaie de le venger, il en fait l’amère découverte lui aussi. Comme dans tous les milieux liés à la prostitution, on peut facilement tomber sur les mauvaises personnes et la solidarité est essentielle, ce que C.b. Yi montre parfaitement, en présentant des jeunes solidaires et protecteurs entre eux. La violence la plus forte et qui m’a le plus impressionnée néanmoins, c’est bien celle que Fei éprouve envers lui-même. La haine de soi de ce personnage est forte et l’acteur, Kai Ko, parvient à parfaitement la rendre à l’écran. Les dernières images où on le voit sourire forment une conclusion assez dure, tant on sait à quel point ce n’est pas son quotidien…

Informations

Titre original : 金錢男孩

Année : 2021

  • Nationalités :
  • Autriche
  • Belgique
  • France
  • Genre :
  • Drame

Durée : 1h56