Matrix Resurrections, Lana Wachowski
Warner Bros voulait tellement créer une suite à la trilogie, l’une des deux sœurs Wachowski1 s’y est finalement collée. De manière assez amusante, c’est aussi le message qui ouvre Matrix Resurrections, où l’on retrouve un Neo enfermé dans une nouvelle matrice dans laquelle les trois premiers films de la saga sont des jeux vidéo qu’il a créé. Il ne veut pas en faire un quatrième, mais on lui force la main, prétextant que si ce n’est pas lui, un autre le fera à sa place. Comment ne pas voir en ce Neo développeur de jeu vidéo la présence de Lana Wachowski, qui décide de céder face à ce qui ressemble à des années de pression ininterrompue de la part des studios ? Peut-on aller un cran plus loin, et comprendre que cet avertissement sur la qualité de cette suite vaut autant dans la matrice que dans notre monde ?
Quoi qu’il en soit, il fallait une suite, en voilà une. Matrix Resurrections joue constamment sur les références comme pour créer le maximum de liens avec la trilogie initiale et tout particulièrement avec le premier film. La séquence d’ouverture est une copie conforme de celle du long-métrage de 1999 — cela ne nous rajeunit pas 🥲 — et ce quatrième épisode est parsemé de clins d’œil, ici au dojo, là aux scènes de bullet time, sans oublier le lapin blanc ou même le Mérovingien. Paradoxalement, alors même que l’hommage est constant, deux acteurs clés ont perdu leur rôle. Keanu Reeves reprend le rôle principal, Carrie-Anne Moss est à ses côtés pour celui de Trinity, mais ni Hugo Weaving pour l’agent Smith, ni Lawrence Fishburne pour Morpheus ne sont présents. Et s’il y a une vaguement bonne raison pour le premier, le second n’a apparemment même pas été contacté et il a été remplacé d’office par une version rajeunie. Ces choix sont assez déstabilisants et même si j’ai trouvé que Jonathan Groff s’en sortait bien en nouvel agent Smith, et même si Yahya Abdul-Mateen II est convaincant dans le rôle du jeune Morpheus, je me demande si Matrix Resurrections n’aurait pas été plus satisfaisant avec les deux acteurs originaux. En tout cas, on ne peut pas reprocher à Lana Wachowski de ne pas redoubler d’effort en termes de représentativité queer, avec plusieurs acteurs ouvertement queers et plusieurs personnages qui le sont aussi. Sur ce point, elle ne déçoit pas.
Malheureusement, le film lui-même n’est pas une grande réussite. Matrix Resurrections est un blockbuster d’action bien rythmé, bourré de clins d’œil que les fans peuvent apprécier et c’est aussi une œuvre généreuse pleine de bonne volonté. Pour toutes ces raisons, cela en fait un long-métrage plaisant malgré ses défauts et si vous avez aimé The Matrix, vous auriez tort de ne pas le voir. Mais il faut aussi reconnaître qu’une fois sorti de la matrice initiale avec cette bonne idée des jeux vidéos, on est comme sur des rails, portés par une scène d’action à la suivante sans grande originalité. Lana Wachowski ne parvient pas à retrouver ce qui faisait la particularité du premier film et elle tombe dans les travers des deux suivants, alors que j’espérais retrouver la complexité scénaristique et formelle de Sense8 ou Cloud Atlas. Malgré quelques esquisses et idées nouvelles insufflées ici ou là, Matrix Resurrections reste au fond assez basique et c’est bien dommage.
Seule Lana Wachowski est présente sur ce quatrième volet, Lilly Wachowski s’est tenue à l’écart du projet. ↩︎