A House of Dynamite, Kathryn Bigelow

A House of Dynamite, Kathryn Bigelow

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Prenez Docteur Folamour, retirez tout l’humour et vous obtenez A House of Dynamite. C’est un résumé assez simpliste du dernier film de Kathryn Bigelow, mais je trouve qu’il fonctionne assez bien. Pour son retour au long-métrage, huit ans après Detroit et exclusivement pour Netflix cette fois, la cinéaste imagine un scénario catastrophe que l’on a croisé tant de fois dans le monde de la fiction. Un missile possiblement nucléaire se dirige tout droit vers les États-Unis, c’est le branle-bas de combat avant peut-être une apocalypse nucléaire. La réalisatrice imagine un triptyque au cœur du pouvoir, de la salle de crise de la Maison-Blanche jusqu’au président, en passant par le secrétaire de la Défense et STRATCOM, l’organe militaire américain qui lance les attaques nucléaires sur ordre du président. Il se déroule environ vingt minutes entre le moment où la menace est identifiée et l’impact, vingt minutes que Kathryn Bigelow retrace à trois reprises, avec trois angles différents et toujours la même tension croissante. C’est un choix très intéressant, une manière de faire monter le suspense sans jamais discontinuer et donner un sentiment d’urgence qui se double rapidement d’un malaise encore plus grand. J’en ai vu des films catastrophes à base d’attaque nucléaire, jamais d’aussi intenses ou réalistes.

A House of Dynamite est poignant, justement parce que c’est crédible. Quand le missile est repéré initialement, tout le monde pense qu’il s’agit d’un exercice chinois ou nord-coréen, russe éventuellement, sans s’inquiéter outre-mesure. Les personnages discutent entre eux de tout et rien, ils évoquent leurs vies personnelles tout en relevant que c’est le troisième ou quatrième du genre. Puis brutalement, la situation dérape, le missile ne redescend pas vers l’Océan Pacifique où il a été repéré, il se dirige vers les États-Unis. Immédiatement, toute l’énorme machine bureaucratique et militaire se met en place, mais il reste si peu de temps. Le compteur commence, DEFCON 2 est enclenché, on a encore l’espoir d’arrêter le missile et quand cet espoir disparaît, DEFCON 1 prend la relève et cette fois, on parle d’attaques nucléaires à grande ampleur comme d’un niveau de cuisson de la viande. Est-ce que l’on veut viser quelques lieux stratégiques ou détruire la planète ? Alors que le président doit trancher en quelques minutes, tout le personnel jugé essentiel se rend dans un bunker, comme si c’était déjà la fin. Et quelque part, ça l’est : le coup de génie de Kathryn Bigelow est de ne jamais montrer la bombe, de se concentrer sur ce qui se passe juste avant, et pourtant de transmettre avec force au spectateur que c’est déjà trop tard, que l’apocalypse crainte depuis 80 ans est en train d’arriver.

En décortiquant les plans américains en cas d’attaque, en découvrant à quel point le pays est organisé et prêt à sauver son gouvernement tout en détruisant la planète, le message pacifiste revient avec encore plus de force. Le président de Kathryn Bigelow n’est pas un allumé comme chez Stanley Kubrick ou notre triste réalité, c’est un Barack Obama incarné par Idris Elba, un homme réfléchi qui pense aux millions de morts et cherche la meilleure option. Ou la moins pire, car ce qui ressort bien de ce thriller intense, c’est que l’arme nucléaire est forcément une mauvaise idée et que l’on ne peut jamais gagner. Ce n’est pas une idée nouvelle évidemment, on le savait déjà pleinement en 1945. A House of Dynamite le démontre de nouveau sans aucun didactisme, ce qui ne rend pas la démonstration moins implacable. Le film regorge de moments forts, de réactions de désespoir pleines d’humanité et déchirantes. Le désespoir de toutes ces femmes et ces hommes qui découvrent qu’ils ne peuvent en réalité rien faire, alors même qu’ils sont censés gérer la plus grande puissance mondiale, alors même que tout avait été méticuleusement préparé, est certainement l’idée la plus forte du long-métrage et elle est remarquablement rendue. C’est à la fois simple et profond, c’est en tout cas brillant et je recommande sans hésiter.

Informations

Année : 2025

  • Nationalité :
  • États-Unis
  • Genres :
  • Guerre
  • Thriller

Durée : 1h52