Hayao Miyazaki et le Héron, Kaku Arakawa

Hayao Miyazaki et le Héron, Kaku Arakawa

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Sept ans, c’est le temps qu’il a fallu à Hayao Miyazaki pour réaliser Le Garçon et le héron, son dernier long-métrage jusqu’à nouvel ordre. Pendant cette longue période, Kaku Arakawa a de nouveau posé ses caméras dans le quotidien du cinéaste, poursuivant une habitude qu’il a instauré depuis Ponyo, il y a plus de 15 ans de cela. Hayao Miyazaki et le Héron est le premier documentaire de ce type que je regardais et j’ai bien ressenti dès le départ une sorte de complicité entre le réalisateur du documentaire et le maître de l’animation, ce qui est logique : ils se connaissent bien. Hayao Miyazaki n’aurait sans doute pas accepté qu’un autre soit aussi présent et témoin à la fois de sa créativité et surtout de ses faiblesses. Son départ à la retraite tient désormais plus de la blague récurrente que d’une idée sérieuse, mais on sent bien qu’il s’agissait cette fois de son dernier film. Non pas tant parce qu’il a choisi d’arrêter et de profiter du bon temps, bien plus parce que ses capacités diminuent progressivement et qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même.

Quelle ombre, le film qui en résulte en témoigne bien. Malgré tout, j’ai été frappé par la manière dont le documentaire évoque frontalement les difficultés de son sujet, qui ne parvient plus à se concentrer, qui oublie les images qu’on vient de lui montrer, qui ne sait plus dessiner et qui se perd dans les méandres de son cerveau et de ses souvenirs. Alors qu’il fête son quatre-vingtième anniversaire, Hayao Miyazaki voit ses proches mourir les uns après les autres, Isao Takahata en tête. Ce collègue, mentor, rival a été essentiel pour le studio Ghibli autant que pour lui et leur relation, souvent conflictuelle de son vivant, est ici surtout touchante maintenant qu’elle a disparu. Hayao Miyazaki et le Héron filme souvent son sujet de très près, on ressent sa peine en même temps que ses difficultés croissantes au quotidien. Si son dernier film est parfois confus, c’est parce qu’il était à son image : on le voit naviguer à vue, déléguer une séquence qu’il n’arrive pas à animer, ne pas savoir exactement ce qu’il doit raconter… c’est tout à la fois fascinant, comme toujours, de lever légèrement le voile sur un processus créatif et triste de découvrir un processus créatif face à de telles difficultés.

Hayao Miyazaki et le Héron est un documentaire passionnant, même s’il ne donne pas énormément de clés pour comprendre tout ce qui s’y passe. C’est une plongée dans le quotidien du cinéaste, avec un accent porté sur ses relations avec Toshio Suzuki, producteur de tous ses films, co-créateur du studio Ghibli et le héron de sa dernière œuvre, ce qui en dit long sur leur relation tant professionnelle que personnelle. C’est de l’amour vache et le respect mutuel est entremêlé de mots parfois acerbes, mais surtout d’inquiétudes de la part du producteur qui voit son ami et collègue décliner. Hayao Miyazaki est à l’égal de ses films, toujours entre réalité et fantastique, ce qui lui a joué des tours sur ce dernier projet, même si son perfectionnisme transparaît en permanence dans ce documentaire. Jusqu’au bout, il a tout contrôlé d’une main de fer, jusqu’aux interprétations des comédiens qui ont donné leur voix aux personnages.

Informations

Titre original : 宮﨑駿と青サギと… ~「君たちはどう生きるか」への道~

Année : 2024

  • Nationalité :
  • Japon
  • Genre :
  • Documentaire

Durée : 2h00