The Gray Man, Anthony et Joe Russo
Les frères Russo et Chris Evans dans un blockbuster d’action ? Eh non, ce n’est pas un énième volet de l’immense saga Marvel et l’acteur ne reprend pas son rôle de Captain America, cette page est a priori belle et bien tournée. Plus que vers les super-héros qui ont fait connaître le duo, The Gray Man va chercher son inspiration du côté de James Bond, Jason Bourne ou d’autres sagas d’espionnage similaire. Mais cette inspiration se conjugue à un art du grand spectacle et un sens du n’importe quoi qui atteint des sommets. Le résultat est sans surprise : à l’image de tous les films1 d’Anthony et Joe Russo, c’est bien fichu, on en prend plein la vue surtout avec un grand téléviseur compatible HDR et c’est aussi divertissant qu’oubliable. Je cherchais un divertissement léger, je l’ai eu.
L’histoire importe si peu que le prétexte est évacué en quelques plans. Oubliez les programmes compliqués, l’affiche résume tout ce qu’il faut savoir à propos de The Gray Man. Deux hommes s’affrontent, avec à ma gauche Ryan Gosling qui incarne « Sierra Six », un tueur officieux de la CIA et à ma droite Chris Evans, dans le rôle de Lloyd Hansen, ancien de la CIA qui a été viré à cause de sa violence et qui est chargé par le nouveau patron de la CIA de tuer Sierra Six. Vous savez l’essentiel, deux meurtriers essaient de se tuer et c’est parti pour deux heures d’action presque ininterrompues. Netflix a mis les gros moyens et le spectacle est au rendez-vous, on voyage d’un pays à l’autre et les séquences d’action toujours plus folles s’enchaînent, jusqu’au final explosif dans le pauvre chateau de Chantilly — mais placé en Croatie dans le film, après tout, on connaît le sens aigu de la géographie mondiale des Américains… — qui n’avait rien demandé. Je retiens en particulier le combat au milieu du feu d’artifice, très joli et malin, ainsi que cette longue scène de combats dans Prague autour d’un tramway (et de quelques Audi, qui semble être le sponsor obligé des frangins2). Sans aller jusqu’à dire que The Gray Man révolutionne le genre, car ce n’est clairement pas le cas, il faut reconnaître aux frères Russo ce talent de mise en scène, d’autant que l’action est toujours parfaitement lisible.
C’est leur point fort, il leur faudrait en revanche quelques cours sur le fond. L’intrigue est si peu importante que l’on finirait presque par s’ennuyer, même si le long-métrage a le bon ton de ne pas trop s’étaler dans le temps. L’intrigue secondaire avec la nièce de celui qui a recruté Sierra Six tombe un petit peu comme un cheveu sur la soupe, mais j’ai apprécié le traitement réservé aux personnages féminins, ainsi que le ton moqueur à l’encontre des masculins. Ryan Gosling est excellent comme toujours dans ce rôle teinté de second degré, on découvre que Chris Evans est impeccable lui aussi dans le même registre. L’acteur tient manifestement à éloigner son image de Captain America, il donne du sien et ça paye… même si son personnage ne dépasse jamais le stade de la caricature. Rien ne dépasse réellement le stade de la caricature en même temps et The Gray Man semble assumer ce choix. À condition d’avoir conscience des limites du film, vous pourrez passer un bon moment devant ce spectacle divertissant et un peu idiot.