
Frankenstein, Guillermo del Toro
Adapter le roman de Mary Shelley n’est pas l’idée la plus originale qui soit, comme en témoigne la fiche Wikipédia dédiée exclusivement aux films qui représentent le monstre. Néanmoins, Guillermo del Toro rêvait de proposer « son » Frankenstein et c’est enfin le cas, après des années de tentatives successives et grâce à Netflix. Sa version est un long-métrage de 2h30 qui se veut assez fidèle à l’esprit du roman original, sans respecter le texte à la lettre non plus. De fait, le cinéaste mexicain n’hésite pas à bousculer le roman, tant sur le plan chronologique en abandonnant la stricte linéarité et en imaginant un récit chapitré avec plusieurs points de vue. Il n’hésite pas non plus à modifier les personnages et le changement le plus important est sûrement que son monstre n’est plus monstrueux. La créature sans nom de Victor Frankenstein reste un assemblage assez grossier de multiples corps, elle a toujours une force surhumaine et peut faire preuve d’une grande violence… mais c’est aussi une personne capable d’aimer et qui fait preuve d’une grande sensibilité. Un pari intéressant, qui permet à un Jacob Elordi (découvert dans Euphoria) lourdement maquillé de briller un petit peu plus, avec une interprétation plus subtile que bien des versions précédentes du monstre.
Guillermo del Toro a introduit beaucoup d’humanité dans cette histoire, en insistant sur la relation paternelle. Frankenstein dresse un parallèle entre l’enfance malheureuse de Victor et la cruauté de ce dernier face à sa propre création. Le fils qui répète les erreurs du père avec ses enfants, c’est un classique, ce qui n’est pas négatif de ma part. J’ai trouvé que c’était très bien mené et la relation entre le créateur et le monstre est bien rendue. Elle est d’autant plus riche que le film imagine un parallèle par la suite, avec une étonnante et très belle rencontre avec un fermier (David Bradley, impeccable) qui fait office de père de substitution. Je suis un petit peu plus sceptique sur la relation entre la créature et Elizabeth et de manière plus générale, je trouve que le scénario veut englober trop de personnages secondaires. Le rôle de Christoph Waltz, bien trop proche d’autres interprétations de l’acteur, n’a pas tellement d’intérêt. Le frère de Victor n’est pas réellement exploité et que dire du capitaine de navire qui est censé offrir un cadre à l’ensemble. Je sais que pour le coup, c’est un élément qui vient du roman, mais tant qu’à modifier ces bases, je me dis qu’on aurait pu s’en passer et resserrer le récit sur les filiations.
Frankenstein n’est pas parfait, le long-métrage souffre aussi d’une forme pas toujours à la hauteur avec des effets spéciaux qui auraient pu être plus soignés par endroits, même si c’est surtout cette profusion de personnages et d’idées qui finit par lui nuire à mon sens. Malgré tout, le projet reste divertissant et c’est plaisant de redécouvrir un monstre que l’on pensait connaître par cœur et qui s’avère assez surprenant.