La Famille Tenenbaum, Wes Anderson
Le style Wes Anderson se reconnaît entre milles et La Famille Tenenbaum a permis au cinéaste de le cristalliser pleinement. Son troisième long-métrage rassemble tout ce qui l’a fait connaître : les couleurs pop, les décors rétro très travaillés, les personnages hauts en couleur, la famille dysfonctionnelle et cette pointe d’absurde teintée de préciosité. Autant de traits qui plairont à ses fans et feront fuir ses détracteurs. Je me place dans la première catégorie et ce film sorti en 2001 reste indéniablement l’un de ses meilleurs.
L’introduction donne le ton : les trois enfants Tenenbaum sont des surdoués qui ont tous dépassé avant la puberté des objectifs que la majorité des humains n’atteignent jamais de leur vivant. L’un a fait fortune dans la finance, l’autre a écrit plusieurs pièces de théâtre, le dernier est un tennisman accompli. Ce n’est pas le sujet qui intéresse Wes Anderson toutefois, son film reprenant une vingtaine d’années plus tard. La communauté a explosé en plein vol, Royal a trompé sa femme et Etheline l’a mis à la porte, tandis que les trois enfants ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils étaient plus jeunes. La Famille Tenenbaum commence réellement dans ce présent assez triste, alors que tous les membres de la famille se retrouvent pour la première fois dans la grande maison familiale. Le réalisateur n’essaie pas de créer de faux suspense, ce n’est pas son genre, il préfère au contraire compter sur des explications appuyées sous la forme de chapitres d’un faux livre qu’il est supposé adapter. Tout est faux, le scénario original ayant été co-écrit par ses soins et par Owen Wilson, mais cela fait partie du dispositif humoristique, basé en grande partie sur les décalages et un sens marqué de l’absurde. Ce n’est pas le seul moteur et il convient de saluer les performances des acteurs, tous remarquables dans leurs rôles comiques basés sur des personnages tristes. On évoque souvent, et à raison, le talent de Gene Hackman dans le rôle du père, mais le casting est un sans faute, que ce soit les deux frères Wilson, Gwyneth Paltrow ou encore Ben Stiller, sans oublier naturellement le légendaire Bill Murray, qui n’était pas encore tout à fait un habitué à cette époque.
Les décors et la bande-originale sont les deux acteurs supplémentaires de ce casting et ils sont tous deux notables, tout particulièrement les premiers. Wes Anderson a tout filmé dans des décors naturels situés à New York, mais ses décorateurs se sont donnés beaucoup de mal pour faire oublier la ville américaine, tout comme le tournage a été compliqué par le choix d’une vraie maison mal fichue avec ses escaliers ridiculement petits. Ces décisions se retrouvent dans le long-métrage final néanmoins : La Famille Tenenbaum se déroule dans un monde familier et en même temps différent, comme si l’on était dans un univers parallèle. Ce ce qui est, encore une fois, une marque de fabrique de son créateur.