Entretien avec un vampire, Neil Jordan
Entretien avec un vampire a fêté son vingt-huitième anniversaire cette année et cela se voit un petit peu. Visuellement, le film de Neil Jordan n’a pas trop mal vieilli pourtant, grâce à l’utilisation principale de maquillages à l’ancienne au lieu de trop compter sur les effets numériques qui étaient encore récents au début des années 1990, probablement trop pour un usage abusif. Il y a bien quelques effets spéciaux qui accusent le poids des années, mais l’ensemble se tient bien. En revanche, on ne ferait plus un long-métrage comme celui-ci aujourd’hui. Sa représentation de l’esclavagisme au XVIIIe est au mieux naïve, sinon gênante. Et par la suite, les relations entre les vampires et les enfants auraient bien du mal à passer de nos jours.
D’un autre côté, c’est aussi ce qui fait l’intérêt du projet. Entretien avec un vampire est une œuvre empreinte de sous-texte qui ne peut pas être ignoré même s’il n’est jamais explicité et d’une morale que l’on ne saisit pas toujours, mais qui est crédible de la part de créatures immortelles qui ont vécu plusieurs centaines d’années. Comment passer à côté de l’homo-érotisme omniprésent pendant plus de deux heures ? La morsure d’un vampire est toujours un acte sexuel ou en tout cas sexualisé, et le choix de deux personnages masculins au centre de l’intrigue n’a rien d’innocent. Anne Rice, l’autrice du roman qui a été adapté ici en avait d’ailleurs conscience, elle avait écrit une version de l’histoire avec une femme à la place de Louis, incarné par Brad Pitt, pour offrir une version plus hétérosexuelle à Hollywood. Heureusement que Neil Jordan a gardé ces deux personnages masculins et le duo entre Louis et Lestat, interprété par Tom Cruise, fonctionne parfaitement. Quand la toute jeune Kristen Dunst, une dizaine d’années lors du tournage, débarque dans l’intrigue, elle complète cette famille atypique avec deux papas et une fille, tous vampires. C’est un choix au fond assez courageux quand on juge à la production actuelle, où les scénarios tranchent sans laisser de doute d’un côté ou de l’autre. Ici, on a deux hommes explicitement hétérosexuels qui ont une relation proche de la romance et le projet baigne dans cet homo-érotisme constant.
Malgré tout, il manque au projet la profondeur que l’on retrouvait manifestement plus dans le roman original. Tout le questionnement de Louis sur sa nature est bien présent en pointillés, mais ce n’est clairement pas le centre du film. Entretien avec un vampire préfère le filmer en train de brûler des lieux, une spécialité qu’il accomplit toujours avec entrain d’ailleurs, mais on aurait aimé en voir plus sur le fond. L’adaptation de Neil Jordan reste plaisante à regarder et même si la bande-originale d’Elliot Goldenthal a tendance à écraser les images par endroit, elle est parfaitement composée.