Avatar : La Voie de l’eau, James Cameron
Treize ans, c’est le temps qu’il a fallu à James Cameron pour donner une suite à Avatar et lancer ce qui s’apparente d’emblée à l’une des plus ambitieuses sagas cinématographiques. Cinq fils sont déjà prévus d’ici 2031 et il semble bien que le cinéaste ait décidé d’en faire l’œuvre de sa vie. Après avoir revu le premier épisode, j’étais encore plus sceptique que dans les salles sur la capacité de cet univers à accueillir une vraie saga sur la durée et malheureusement, Avatar : La Voie de l’eau m’a convaincu… que j’avais raison. James Cameron se fait plaisir avec trois heures d’un Pandora plus magnifique que jamais, mais ses spectateurs s’ennuient ferme face à une histoire qui non seulement banale, mais surtout terriblement rétrograde. Quelle déception.
Commençons par le positif : en treize ans, la technique a évolué et les Na’vis sont magnifiques dans cette suite. Le motion capture, qui permet à de calquer les mouvements de vrais acteurs sur des personnages numériques, a fait de gros progrès et les expressions faciales n’ont jamais été aussi crédibles, tandis que la peau ne ressemble plus à du plastique lisse. J’étais un peu déçu de découvrir que la forêt était toujours aussi statique, mais ce n’est que l’introduction, l’essentiel de l’intrigue se déroule chez les Na’vis de la mer et en particulier sous l’eau, où l’imagination des équipes pour créer des créatures familières et différentes a encore fait des merveilles. Le cadre est magnifique, mais Avatar : La Voie de l’eau souffre du même défaut que son prédécesseur, avec un manque criant d’originalité sur l’histoire. Je n’aurais pas cru que c’était possible, mais James Cameron l’a fait : cette suite est même encore moins originale, puisqu’elle multiplie les parallèles et les résurrections. Alors qu’Avatar avait eu le courage de tuer plusieurs personnages clés, les scénaristes n’ont pas trouvé mieux que de les ressusciter : le colonel Miles Quaritch revient sous la forme d’un Na’vi avec les souvenirs de l’humain, ce qui n’est même pas le pire. Dans cette catégorie, je demande le docteur Grace qui a eu un enfant dans son avatar (déjà…) et James Cameron n’a pas trouvé mieux que de demander à Sigourney Weaver de donner sa voix à sa fille. Oui, c’est une idée stupide et c’est encore plus idiot en vrai. Si cela ne suffisait pas, les deux films dressent des parallèles parfaits. Un seul exemple : remplaçant Miles, une nouvelle colonel prend sa place1 et le scénario l’imagine à sa même exacte place dans l’espèce de gros hélicoptère d’où elle dirige les opérations, une tasse de café à la main.
Avatar : La Voie de l’eau manque d’originalité et reste trop dans les traces du premier film, admettons et avançons. Malheureusement, la situation ne s’améliore pas même en passant outre ce qui reste un gros défaut. L’histoire imaginée par James Cameron n’avait pas besoin d’être aussi rétrograde, avec une vision qui semble tout droit sortie d’un film américain d’après-guerre. Seule la famille compte désormais, le groupe n’a plus aucune espèce d’importance, contredisant directement le message d’Avatar. D’ailleurs, Jake part avec femme et enfants dès les premières menaces, avec cette idée stupide qu’il sera en sécurité ailleurs, ce qui ne sera évidemment pas le cas, vous vous en doutez bien. Une fois parti, on oublie tous les Na’vis de la forêt, seuls ceux de la mer nous intéresse… sauf que là encore, la famille est la seule qui compte. Tout le combat final se concentre ainsi sur le noyau familial rapproché, dans un combat bourré de testostérone et de gros muscles, car on se bat entre mecs. C’est limite si Neytiri n’est pas cantonnée à sa cuisine et même si le personnage intervient ici ou là dans les combats, ses dialogues sont limités à la portion congrue. La toxicité masculine domine, les mecs sont les moteurs de l’action quasiment tout le temps et les filles n’interviennent qu’épisodiquement et sans les grosses mitraillettes qui sont désormais omniprésentes, non, elles restent à l’arc. Défendre sa famille avec une abondance d’armes à feu, cela vous rappelle quelque chose ? Ajoutez à cela une pauvreté raciale déplorable — la peau est soit blanche, soit bleue, jamais d’une autre couleur, pas même pour les figurants, je me demande même comment cela a été possible — et vous obtenez un cocktail à l’odeur bien rance.
Cette vision américaine primaire et un peu beauf se retrouve aussi dans l’absence de toute considération écologique, alors que c’était un sujet central dans Avatar. Ici, on évoque à peine à un moment la fin de la planète Terre et le choix de Pandora pour lui succéder, ce qui aurait pu être un sujet intéressant. L’air n’est pas respirable pour les humains, il faudrait terraformer et probablement condamner tous les Na’vis, un désastre écologique d’une ampleur planétaire qui aurait été un thème passionnant. À défaut, James Cameron reproduit les vieux schémas narratifs, dans ce monde où tout le monde parle soudainement anglais2. Ce capitaine qui poursuit une créature maritime et perd un bras ? Rien n’a voir avec Moby-Dick bien entendu, c’était une jambe qu’Achab a perdu. Ce navire qui coule ? Rien n’à voir avec Titanic voyons, il n’y a pas d’iceberg sur Pandora.
Après trois heures de ce spectacle affligeant, je n’ai absolument aucune envie de repartir sur Pandora. Et ce n’est pas la survie inexplicable du personnage clé qui va me motiver à en voir davantage, ça va bien comme ça.
Interprétée par Edie Falco que j’ai connu plus inspirée dans le rôle de Carmina Soprano. ↩︎
Les Na’vis ont bien leur langue en théorie, mais même ceux qui n’ont eu aucun contact avec les « gens du ciel » parlent anglais comme si c’était leur langue maternelle. Encore un thème que le premier film avait bien géré et qui a été entièrement oublié… ↩︎