Adaptation., Spike Jonze
Adaptation. est un film étonnant, qu’il est préférable de découvrir sans rien avoir lu à son sujet. Le long-métrage réalisé par Spike Jonze s’apprécie d’autant plus la première fois qu’on le regarde sans connaître son sujet et surtout pas son concept, car c’est là tout son intérêt. Si vous ne l’avez jamais vu, je vous conseille ainsi de commencer par le regarder, avant de revenir ici lire la suite.
Le film porte bien son titre : Adaptation. s’intéresse au travail d’adaptation d’une œuvre littéraire en un film en suivant le parcours difficile d’un scénariste. Dès le départ, le spectateur est pris dans ce qui ressemble à une autobiographie, voire un documentaire, car (presque) rien n’est fictif. Le scénariste qui doit adapter l’œuvre et qui est le héros du film est Charlie Kaufman, un vrai scénariste qui a en effet été chargé d’adapter le même livre The Orchid Thief que dans le film. Comme dans la vraie vie, il se documente sur le sujet, tente de multiples angles différents et reste toujours bloqué face à une page blanche. Au fil de cet éprouvant travail, il parvient à écrire un scénario sur sa difficulté à écrire ce scénario… et c’est bien évidemment celui du long-métrage que l’on est en train de voir ! La première fois que le spectateur est pris dans cet empilement de réalités qui s’entrecroisent, l’ensemble peut paraître déstabilisant. Spike Jonze parvient à passer d’une séquence à l’autre et surtout d’une réalité à l’autre avec une grande aisance toutefois. On voit en parallèle ce que le scénariste fait, l’histoire racontée par le livre qu’il adapte et le récit de la journaliste qui a écrit ce livre. Tous ces éléments se télescopent sans perdre le spectateur, et si cela ne suffisait pas, Adaptation. s’amuse encore davantage en jouant constamment sur nos attentes. Ainsi, le film respecte les instructions du spécialiste autoproclamé et propose une fin spectaculaire, et par ailleurs éloignée de la réalité, mais tout en contredisant toutes ses autres règles, notamment sur l’utilisation d’un narrateur. Au-delà de l’histoire spécifique de l’adaptation compliquée d’un livre, Charlie Kaufman semble régler quelques comptes, ou en tout cas apporter son regard critique sur les règles à respecter absolument à Hollywood.
Le projet n’aurait pas été aussi convaincant sans un casting exceptionnel et sur ce point aussi, Adaptation. ne déçoit pas. Nicolas Cage n’a pas fait que des bons films, mais l’acteur est brillant dans un double rôle, puisqu’il doit non seulement incarner le scénariste, mais aussi un frère jumeau que Charlie Kaufman a créé de toutes pièces. Il compose deux interprétations subtilement différentes et son travail assez dingue soutient tout le projet. À ses côtés, Meryl Streep est évidemment très bien — qui en douterait ? —, mais je retiendrai surtout Chris Cooper, bluffant dans le rôle du chasseur d’orchidées.