Where is Home / Hae ke Kae, Abel Selaocoe
Abel Selaocoe est un violoncelliste sud-africain qui a grandi dans un township près de Johannesburg et qui est tombé amoureux du violoncelle à travers Bach. Un profil atypique qui m’a attiré instantanément : j’ai toujours eu un faible pour cet instrument et les Suites pour violoncelle de Johann-Sebastian Bach restent à mes oreilles un incontournable qui revient de temps en temps dans ma liste de lecture. Where is Home / Hae ke Kae est le premier album du musicien et comme son titre le laisse bien entendre, il trace une union entre les deux influences majeures dans sa vie. La musique classique et plus spécialement baroque d’un côté, la musique traditionnelle sud-africaine de l’autre. Ce n’est pas qu’un effet de style, l’album fait constamment le passage d’une culture à l’autre, avec une sonate pour violoncelle de Platti et deux morceaux de Bach qui ponctuent des titres originaux d’Abel Selaocoe, où les sonorités africaines accompagnent avec une grande facilité les instruments baroques.
Loin d’être un ensemble incohérent, Where is Home / Hae ke Kae génère un dialogue riche entre les cultures. L’artiste raconte qu’il s’entraînait enfant sur les suites pour violoncelle de Bach et que ses parents reprenaient les mélodies en superposant des chants traditionnels sud-africains. Abel Selaocoe a réalisé au fil du temps que les deux musiques n’étaient pas si éloignées que ce que la distance géographique et l’écart temporel pouvaient laisser entendre. En imaginant un album qui intercale les deux, il crée un dialogue où les frontières s’effacent. Non pas qu’il soit impossible de distinguer les compositeurs baroques des créations contemporaines, évidemment, mais on passe de l’un à l’autre avec grace, sans que ce soit étrange et avec une cohérence d’ensemble que je n’imaginais pas au départ. C’est d’autant plus intéressant que le violoncelliste est un improvisateur hors pair, avec une démarche qui évoque le jazz sur quelques titres, avec une ambiance qui m’a rappelé les sonorités proposées par Hadouk Trio. Difficile avant d’écouter l’album que Bach pourrait s’intercaler à ces morceaux originaux ou même que des chants sud-africains pourraient se superposer aux notes du compositeur, mais cela fonctionne parfaitement. Une excellente surprise.