Redcar les adorables étoiles (prologue), Redcar
Huit ans de carrière, trois albums et trois identités différentes : il faut bien reconnaître que peu d’artistes contemporains brouillent autant les pistes. Christine and the Queens n’a vécu que pour un premier et excellent album, Chris lui a succédé et désormais Redcar. L’artiste aime dérouter et cela s’entend tout particulièrement en écoutant les treize titres qui composent Redcar les adorables étoiles (prologue). Composé dans son appartement en deux semaines seulement, il est brut et déstabilisant, ce qui est bien évidemment l’objectif.
Quelques morceaux rappellent les débuts, à l’image de « rien dire » qui aurait pu être sur Chaleur humaine sans choquer. Mais il faut bien reconnaître que c’est la minorité et que le reste est constamment bizarre, avec parfois le sentiment d’écouter une démo qui prépare un futur morceau. Après tout, c’est un prologue comme son titre le souligne et Redcar prépare d’ores et déjà un nouvel album pour l’année prochaine. Faut-il en déduire que Redcar les adorables étoiles (prologue) n’est qu’une mise en bouche, ou alors une préparation à ciel ouvert ? Ce serait une explication trop simpliste, d’autant que l’artiste revendique une certaine opacité, citant volontiers Bashung en guise de modèle sur ce point. Je ne suis pas forcément convaincu qu’il soit à sa hauteur, mais je comprends la démarche qui m’évoque aussi Christophe, notamment sur certains titres bizarres et qui semblent partir dans tous les sens, comme « Tu sais ce qu’il me faut ».
Peut-on composer un titre par jour, seul sur son ordinateur pendant treize jours d’affilée et espérer obtenir un chef d’œuvre parfait ? Sans doute pas, mais ce n’était clairement pas l’objectif ici. Redcar avait besoin d’exprimer sa douleur suite à la mort subite de sa mère il y a quelques années de cela et on ressent bien l’aspect oppressant de l’urgence. Cela donne à la majorité des titres de l’album un côté obscur qui oblige à multiplier les écoutes pour se les approprier et les apprivoiser, ce qui n’est pas pour me déplaire. Cette absence d’immédiateté tranche singulièrement avec ses productions précédentes, mais après tout, c’est voulu. Et je trouve qu’après quelques écoutes justement, Redcar les adorables étoiles (prologue) me séduit de plus en plus. Même les morceaux avec lesquels j’avais du mal la première fois se révèlent peu à peu et les mélodies nettement plus discrètes finissent par ressortir. Ce ne sera sans doute pas l’album de l’année, mais cela ne m’empêche pas de l’apprécier malgré tout.