i/o, Peter Gabriel
Vingt-et-un ans ! Cela faisait 21 ans que j’attendais un nouvel album de Peter Gabriel et pour être honnête, je n’y croyais plus tellement. Je me souviens encore (presque) comme hier de la claque constituée par Up, qui a fait entrer l’artiste britannique dans mon Panthéon personnel et l’a même directement propulsé tout en haut du podium. Ce perfectionniste a toujours eu le don pour se faire attendre : il s’était écoulé une décennie entre Us et son successeur après tout et je me rappelle encore des blagues de fans sur les forums d’alors à propos de la décennie qu’on allait devoir attendre pour son dixième album. On était loin de se douter que l’attente allait durer plus du double, ponctuée tout de même de quelques projets sympathiques qui n’ont jamais réellement compensé l’absence de vrais nouveaux morceaux.
Fort heureusement, l’attente a enfin trouvé son terme en fin d’année dernière, quand Peter Gabriel a promis, pour de bon cette fois, la sortie d’i/o et rapidement présenté un premier titre dans la foulée. Je n’en pouvais tellement plus d’attendre que j’avais fait une exception à ma règle, en écoutant « Panopticom » avant l’album complet. On peut compter sur le musicien pour ne rien faire comme les autres et c’est ainsi que l’année 2023 a été ponctuée d’une série de sorties de sa part, avec une nouveauté à chaque pleine lune pour finalement sortir les douze pistes avant l’album lui-même. Un choix étonnant, que j’ai soigneusement ignoré, préférant découvrir l’ensemble au grand complet. Et quel ensemble ! i/o est composé de douze compositions, proposées dans deux variantes à chaque fois. Peter Gabriel n’a pas voulu choisir entre le travail de mixage de Spike Stent et celui de Tchad Blake, si bien que chaque morceau est disponible dans une version « Bright-Side Mix » et une « Dark-Side Mix »1. Un choix intriguant, même si à l’écoute, j’ai un petit peu du mal à le justifier. La différence est audible en écoutant les morceaux les uns après les autres, sans pour autant apporter une tonalité aussi différente que j’imaginais à l’ensemble et j’aurais préféré un i/o « officiel », quitte à garder les alternatives à part. Enfin, ce n’est pas comme si j’allais me plaindre d’avoir trop de Peter Gabriel d’un coup et puis surtout, ces douze morceaux forment un album qui m’enchante et qui tourne en boucle depuis sa sortie.
Après une dizaine d’écoutes de tout i/o, soit le double de chaque titre, je suis loin de l’avoir épuisé. C’est indéniablement un signe de qualité selon moi et la preuve que Peter Gabriel n’a pas perdu la main pour composer des titres qui peuvent être à la fois évidents la première fois et révéler encore des détails après vingt passages entre les oreilles. Comme toujours, la production est impressionnante sans être lourde, l’instrumentation et les arrangements sont sophistiqués sans tomber dans la complexité. Il y a un orchestre symphonique sur la majorité, une chorale pour un tiers et tout ceci s’ajoute aux grands noms qui entourent l’artiste depuis des années, de Tony Levin à Brian Eno et de Manu Katché à David Rhodes. On ne peut pas classer ces morceaux dans un seul genre, ne serait-ce qu’en raison de la variété de l’album lui-même, qui évolue d’une ambiance à l’autre à chaque changement de piste. Il y a quelques passages lents et mélancoliques (« So Much ») et d’autres plus énergiques, voire pop (« i/o ») ou qui rappellent l’ancienneté du projet lancé dès 1995. Sur « Olive Tree » en particulier, on croirait retrouver les cuivres enjoués de Us, même si la sonorité est résolument plus moderne. J’ai un faible pour le final : « And Still » m’a inévitablement fait fondre avec son utilisation du violoncelle, tandis que « Live and Let Live » construit sa tension sur la durée avant d’offrir à l’album une conclusion explosive et enjouée, sublimée par des touches d’Afrique, ce qui ne pouvait que me plaire.
Peter Gabriel a choisi de composer une musique plus enjouée et rythmée, ce qui s’entend même sur les mix plus sombres, où les basses sont plus présentes et la voix du chanteur moins mise en avant. Je dirais qu’elle est aussi plus accessible, plus pop que l’était Up. Ce qui n’est en aucun cas un défaut bien entendu. Ce choix ne se fait jamais au détriment de la sophistication de l’écriture ou des productions, toujours aussi impressionnantes par l’empilement de sonorités qui restent parfaitement audibles et simples d’accès. Je ne sais pas encore si i/o me marquera comme l’avait fait son prédécesseur, je ne sais même pas si c’est seulement possible après deux décénnies. Je sais en revanche que Peter Gabriel reste un des musiciens qui me touchent le plus et que je ne suis pas prêt de me laisser de ces douze nouvelles pistes, ni de toutes celles qui ont précédé.
Il existe en réalité trois versions, puisqu’il y a aussi un mix en Dolby Atmos pour les amateurs. Je préfère écouter ma musique en stéréo, c’est mon côté boomer, et puis j’avais déjà suffisamment à faire avec deux mixes de i/o pour ne pas en ajouter une troisième. ↩︎