Sorry to Bother You, Boots Riley

Sorry to Bother You, Boots Riley

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Sorry to Bother You a réussi à me surprendre par son humour noir et surtout par la radicalité de son propos entre anti-capitalisme et dénonciation du racisme des blancs. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais certainement pas à cette fable vaguement SF et résolument absurde. C’est d’ailleurs l’idéal : mieux vaut aborder le long-métrage signé Boots Riley sans trop en lire à son sujet, l’effet de surprise faisant son petit effet.

L’histoire de Sorry to Bother You est apparemment inspirée par celle du réalisateur, dont c’était le premier passage derrière les caméras et qui est avant tout un rappeur. « Cash » obtient un boulot de télémarketeur, sans doute l’un des pires de notre société moderne, et il doit ainsi vendre des encyclopédies et autres objets inutiles en appelant toute la journée des personnes. Ce qui, à sa grande surprise, est une activité à laquelle il excelle, à condition en tout cas d’utiliser sa « voix de blanc » au téléphone. Très tôt dans le projet, Boots Riley s’éloigne du style documentaire ou de toute notion de drame réaliste en introduisant un clip télévisé sur une mystérieuse entreprise où l’on a un travail à vie tout en étant logé et nourri sur place à tel point, vante la publicité qu’un salaire n’est même plus nécessaire. C’est le premier indice d’un univers parallèle au nôtre, où le capitalisme est si débridé qu’il vend aux travailleurs l’espoir d’un esclavagisme moderne. Ce n’est pas qu’une analogie, il s’agit littéralement de la proposition et le scénario devient nettement plus fou par la suite. Je n’avais certainement pas vu venir la séquence équine sur la fin et il faut reconnaître au cinéaste son ambition assez folle. Qui ose aller aussi loin, en risquant constamment de tomber dans le ridicule tout en s’en sortant presque miraculeusement à chaque fois ? Le projet doit beaucoup au casting, avec une mention spéciale à LaKeith Stanfield qui est vraiment épatant d’un bout à l’autre.

Sorry to Bother You est un film gênant et c’est le meilleur compliment qu’on puisse lui faire. Il remet systématiquement en cause les fondements même de notre société, dénonce méthodiquement notre racisme et ridiculise notre capacité à fermer les yeux, surtout face aux idées les plus absurdes. Je ne suis pas surpris que le long-métrage n’ait pas tellement connu de succès, d’ailleurs j’étais passé à côté depuis sa sortie il y a plusieurs années de cela, il gagnerait à être davantage regardé.

Informations

Année : 2018

  • Nationalité :
  • États-Unis
  • Genres :
  • Fantastique
  • Science-Fiction
  • Comédie

Durée : 1h51